L’aéronautique est un secteur discret en Tunisie, mais qui fait tranquillement son bonhomme de chemin. D’année en année, le nombre d’entreprises spécialisées augmente, créant chez nous un pôle de compétences. Certes, même si le nombre d’emplois créés n’est pas négligeable, il ne saurait rivaliser avec d’autres secteurs industriels. Mais ces considérations quantitatives ne devraient pas nous tromper sur l’importance réelle d’un secteur dont l’existence même s’inscrit dans une mutation industrielle à valeur stratégique…
Les exigences en termes de délais, de respect scrupuleux des procédures de production et des normes de sécurité sont en train de créer une dualité féconde pour l’avenir : il y a en effet des secteurs où règne l’approximation de bout en bout et d’autres où la rigueur règne en maître. Le secteur de l’aéronautique renforce en tout cas ce second visage de notre économie : il est à l’opposé de ces activités qui, derrière la qualité aléatoire de leurs productions, cachent une gestion qui peut basculer à tout instant dans l’opacité d’arrangements équivoques. Or c’est précisément de ce type d’activité économique que nous avons besoin de nous émanciper, car il est synonyme de pesanteur, d’incapacité à répondre autant aux besoins en emplois de notre jeunesse qu’à la nécessité d’être au diapason des mutations mondiales…
Certes, le secteur aéronautique en Tunisie ne peut pas aujourd’hui faire autre chose que de la sous-traitance. Mais à ce niveau de technicité, et sachant aussi ce que ce type de sous-traitance requiert en termes de réactivité, de complicité avec le donneur d’ordre, il n’y a pas à rougir, au contraire : c’est une «grande école» qui honore notre industrie.
Comme dans d’autres domaines, l’Etat se doit de protéger ces aires de haute sous-traitance, afin qu’elles se ramifient à travers la création de sous-secteurs, travaillant selon le même esprit à la fois de rigueur dans la réalisation et de souci partagé des attentes liés à une stratégie commerciale.
Bref, au-delà d’un secteur porteur et à valeur symbolique pour l’image de notre économie, se joue une partie dont l’enjeu est le changement de culture en matière de travail, de capacité à prendre part activement et intelligemment dans des opérations commerciales d’envergure internationale, de rompre avec les eaux troubles des petits gains sans lendemain, de l’économie-magouille, de l’opportunisme sclérosé, enfermé dans les horizons restreints d’une réalité locale, trop locale..