Ils lanceront ensuite contre l’EI un assaut qui sera d’autant plus consensuel que les Occidentaux y participent déjà. Avec le soutien tacite des Etats-Unis et de leurs alliés (la Jordanie a fermé depuis plusieurs semaines sa frontière avec la Syrie), ils sont sans doute en train d’y parvenir. Pour le pire - leur qualification du "terrorisme" apparaissant de plus en plus comme se superposant purement et simplement à celle de "sunnisme"- bien plus vraisemblablement que pour le meilleur.
Washington et Moscou ont signé un accord pour une trêve en Syrie. Peut - on espérer que le régime de Damas et l'opposition armée jouent le jeu ?
Non, bien sûr, non seulement parce que l’opposition armée n’est pas monolithique mais parce que la définition des rebelles invités à respecter (ou susceptibles de bénéficier) de cette trêve est extrêmement floue. Il est à peu près clair que ni l’EI ni le groupe Jabhat al-Nusra ne vont accepter cet accord - ou en bénéficier - Au-delà, il est difficile de savoir quel sera le comportement des rebelles armés et moins encore quel sera celui des Russes qui les bombardent.
Toute l’ambiguïté de cet accord tient au fait qu’il exclut les forces que Poutine considère comme “terroristes”, qui vont donc continuer à faire impunément l’objet des terrifiants bombardements aériens lancés depuis plusieurs mois et, vraisemblablement, tenter d’y riposter.
Or ce concept de “terroristes” a largement montré à travers les âges, un peu partout dans le monde, qu’il pouvait faire l’objet d’interprétations particulièrement extensives. En visite à Paris, le président Rouhani, allié de Poutine, a récemment estimé que 60 % des combattants relevaient de cette catégorie. Sa lecture de la crise se rapprochait ainsi d’une dangereuse équation sectaire assimilant sunnites et terroristes !
Ce qui est certain, c’est que les Russes visent dans un premier temps l’anéantissement de l’opposition armée non jihadiste , toute l’opposition l’armée non jihadiste. Il s’agit pour eux prioritairement de détruire toute alternative politique crédible au pouvoir de Bachar.
Ils lanceront ensuite contre l’EI un assaut qui sera d’autant plus consensuel que les Occidentaux y participent déjà. Avec le soutien tacite des Etats-Unis et de leurs alliés (la Jordanie a fermé depuis plusieurs semaines sa frontière avec la Syrie), ils sont sans doute en train d’y parvenir. Pour le pire - leur qualification du "terrorisme" apparaissant de plus en plus comme se superposant purement et simplement à celle de "sunnisme"- bien plus vraisemblablement que pour le meilleur.
Les Russes et les Kurdes
La clef de lecture de l’attitude russe vis-à-vis des Kurdes est l’extrême dégradation des relations entre Moscou et Ankara, notamment depuis que l’aviation turque a abattu à sa frontière un chasseur russe, le 24 novembre dernier, épisode dont Poutine entend tout particulièrement se venger.
Poutine n’a en fait aucune bienveillance humaniste particulière pour les combattants kurdes. Il s’en sert d’abord pour irriter et peut-être pousser à l'erreur Ankara, qui les regarde, des deux côtés de sa frontière avec la Syrie, comme bien plus menaçants pour ses intérêts que ceux de l’Etat islamique. Il s’en sert ensuite pour diviser un peu plus encore l’opposition syrienne car les Kurdes ont, depuis le début de la crise, joué un agenda très personnel et refusé d’affronter le régime, ce qui a séparé leur destin de celui du reste de l’opposition.