Le paradoxe textile

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A l’instar de tous les secteurs industriels, le secteur textile a subi le choc de la transition démocratique. Des usines ont fermé, des emplois ont été perdus et la position même de la Tunisie sur l’échiquier mondial des producteurs s’est dégradée.

Il reste malgré tout qu’il existe ici un savoir-faire, fruit de décennies de présence active, notamment dans le secteur de la confection. Aujourd’hui, alors qu’on déplore des pertes conséquentes, on fait le constat d’abord d’une résilience prometteuse de certaines entreprises et, ensuite, de la vocation maintenue de notre secteur textile-habillement sur les marchés étrangers…

Cette vocation, nous la devons en grande partie à la fameuse loi 72, qui accorde aux entreprises totalement exportatrices des avantages significatifs, et cela depuis bientôt 45 ans. Mais nous la devons aussi au fait que notre industrie textile s’est en grande partie arrimée à des donneurs d’ordre étrangers, plus particulièrement européens, dont elle s’est donné pour mission de s’acquitter des commandes.

Or la conséquence d’une telle politique qui mise à la fois sur l’exportation et sur la sous-traitance, c’est que nous sommes envahis sur notre sol par des produits étrangers et que le Tunisien… ne s’habille pas tunisien : il s’habille chinois ou turc, il s’habille «friperie» quand ses revenus sont modestes (et même quand ils ne le sont pas), il s’habille auprès de grandes marques étrangères dont certaines ont désormais pignon sur rue dans nos villes, mais il ne s’habille tunisien que très accessoirement.

Tel est le paradoxe d’un pays qui compte parmi les pays producteurs et exportateurs dans le domaine du textile, mais dont les habitants sont pour ainsi dire captés par la concurrence. Bien sûr, une telle situation ne s’explique pas en dehors du contexte d’une certaine porosité de nos frontières et de ce marché parallèle qui, partout, fausse le jeu de la concurrence.

Mais soyons sérieux, cette situation s’explique aussi et surtout par le fait que le secteur textile-habillement souffre d’une faiblesse congénitale : il n’a pas développé à son service l’arme de l’intelligence des attentes du marché, de l’évolution des tendances, de la mode, que ce soit chez nous, à travers le quotidien de la société tunisienne, ou chez les autres, pour ensuite traduire les données recueillies en offre de produits, avec acuité et célérité.

C’est pourtant tout l’enjeu de la cotraitance, mais aussi de la persévérance de certains industriels à reconquérir le marché intérieur : il s’agit pour le secteur de gagner en équilibre : équilibre de sa maturité. Un pari que la profession se doit de relever, mais pour lequel elle est en droit de bénéficier d’un soutien fort de la part de l’Etat.

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