Certains pourraient se réjouir de constater que, dans le bras de fer qui l'oppose aux partis de la coalition au pouvoir, et plus particulièrement à Ennahdha, le président de la République ait choisi d'affronter l'adversaire sur son terrain : la mosquée !
Car on se doute bien qu'au-delà des slogans qui rappellent que la mosquée est un lieu de culte, et rien d'autre qu'un lieu de culte, la politique sait s'y frayer un chemin.
Dans les coulisses, pour ainsi dire. Que Kaïs Saïed choisisse de délivrer son discours dans l'enceinte d'un de ces lieux situé dans un quartier populaire peut être compris comme un message. Qui dirait à peu près la chose suivante : ne croyez pas que vous avez le privilège d'occuper le terrain des mosquées et d'attirer à vous et à votre cause les fidèles. Ce privilège, je suis capable de vous le contester et, à retors, être retors et demi.
Mais nous ne pensons pas que ces raisons de se réjouir soient les bonnes. Surtout quand on apprend que cette virée du côté de la mosquée a pris une tournure musclée. Il ne faut pas que la ruse politique pousse à se mettre dans une position si manifestement contraire aux dispositions de la loi.
C'est peu dire que, de la part d'un président de la République, la chose est déconcertante. Non seulement cela, mais l'attitude ravive de mauvais souvenirs chez toute une partie de la population. Pour qui l'intrusion d'un représentant de l'Etat - et a fortiori son chef - dans l'enceinte d'un lieu de culte est de très mauvais augure...
Nous avons quand même, dans ce domaine, un lourd passé de persécutions et d'injustices. Et même si notre président, démocratiquement élu, n'a pas le profil type d'un méchant dictateur, on sait qu'il existe des gestes - néfastes - qui, quand ils demeurent sans réponse, peuvent transformer un homme politique respectable en redoutable autocrate.
Il est donc de notre responsabilité de ne pas permettre que cette tournure des événements se donne des chances de s'imposer.