Mme Olfa Hamdi a-t-elle vraiment échoué ? Oui, bien sûr, si on considère que la seule réussite qu'elle pouvait réaliser était de sortir la compagnie dont elle a reçu la charge du gouffre financier dans lequel elle se trouve et dans lequel elle s'enfonce chaque jour davantage.
Mais elle n'a pas du tout échoué si son vrai but était de révéler au grand jour la nature du mal qui condamne Tunisair à subir le triste sort qu'elle subit. Et, à vrai dire, cette sorte de diagnostic qu'elle a produit, et qui est devenu son souci principal dès lors qu'elle a compris que ses compétences acquises ne permettraient pas de sauver l'entreprise, ce diagnostic, donc, vaut bien au-delà du cas de Tunisair.
Grâce à Olfa Hamdi, on en sait davantage sur toutes les entraves morbides dans lesquelles l'économie tunisienne s'est laissé piéger et qui l'empêchent de voler. Il y a cette pratique du syndicalisme qui prétend dicter à l'entreprise ses choix de gestion au mépris d'un environnement international qui impose ses propres contraintes.
Dans les plus grands pays, l'Etat se désengage, au moins partiellement, du capital des compagnies aériennes et celles-ci font des alliances avec des compagnies étrangères afin d'assurer leur survie et de faire face à la concurrence.
Chez nous, on appelle ça "vendre" et c'est une trahison. Et l'Ugtt, qui cherche à perpétuer un statu quo mortifère pour l'économie, alimente ce type de rhétorique... Nos gouvernements, tous aussi fragiles les uns que les autres, n'osent pas s'attaquer à ce problème majeur. Ils préfèrent jeter en pâture certaines de nos compétences prometteuses et assister passivement au massacre…
Il y a ce système de tutelle de l'Etat qui fait que tout dirigeant d'une entreprise publique demeure à la merci d'une décision administrative aussi arbitraire et aléatoire que celle en vertu de laquelle il a été nommé…
Et puis il y a cette armée de couteaux tranchants qui, au moindre faux pas, et parfois même pour un faux pas qu'on fabrique de toutes pièces, s'abat sur la personne qui a cru pouvoir mettre à profit ses compétences pour frayer à l'entreprise une issue salutaire et vraiment durable.
Nous sommes prêts à sacrifier mille Tunisair pourvu que la personne qui prétend la sauver ne puisse pas un jour se glorifier de l'avoir fait : qui est-elle ? Elle ne nous ressemble même pas ! Avec son accent du sud et ses diplômes ronflants obtenus dans les universités d'Amérique et d'ailleurs, elle est doublement étrangère.
C'est une femme, oui, mais c'est pas le modèle approuvé, labellisé. Elle a l'outrecuidance de sortir du rang de notre féminité moderne, bourguibienne et bien de chez nous. Qu'elle aille donc au diable, Tunisair et toutes les entreprises publiques du pays dussent-elles en crever !
Qui a dit que nous voulions vraiment du bien pour ce pays ? Qui a dit qu'il suffit de se désoler sur son état à longueur de journée pour porter en soi le plus petit élan salvateur susceptible de soutenir une action hardie et pertinente.
Olfa Hamdi n'est qu'un exemple. Elle donne une idée de ce qui attend tout nouveau candidat qui voudrait braver les obstacles sans sacrifier aux anciens usages qui ont fait la preuve de leur inanité.
En plus des difficultés syndicalo-administratives, il y a, tapi dans l'ombre, une haine du salut et la hantise d'avoir peut-être à rendre un hommage à quelqu'un… qui n'est pas du clan !