La dictature a connu chez nous des formes diverses à travers les âges et a laissé des traces profondes dans nos modes de pensée. C'est en grande partie par ces traces qu'on doit expliquer le fait que, en situation de difficulté, au lieu de rechercher des solutions en commun et de créer ensemble les conditions de la réussite, on préfère désigner parmi nous un coupable, à qui on impute la totalité de nos malheurs et qu'on va se mettre à poursuivre assidûment de nos imprécations et de nos malédictions, en s'imaginant que son expulsion d'entre nous va faire disparaître nos problèmes.
Il y a là une sorte de mécanisme paranoïaque qui n'épargne même pas les esprits cultivés et qui rend d'ailleurs le dialogue particulièrement malaisé. Car la discussion avec le paranoïaque ne diffère pas beaucoup de la discussion avec le fou qui est persuadé qu'on complote contre lui.
Est-ce habileté politique ? Est-ce machiavélisme redoutable ? Voilà qu'un parti a décidé d'utiliser à son profit ces tristes séquelles de notre passé despotique pour faire avancer ses pions ! La peur de l'inconnu et l'embarras face à la nouveauté, en quoi nous a plongés la révolution, a créé les conditions d'une véritable éruption paranoïaque, qu'il s'agit seulement d'attiser et d'orienter pour se donner le rôle du chef adulé et pour susciter la méfiance à l'égard de tous les autres acteurs politiques qui, quand ils ne sont pas dans le camp maudit, sont dans celui qui le tolère.
C’est peu dire qu'en agissant de la sorte le parti en question pervertit le jeu démocratique dont il profite des règles. En misant sur la peur et sur la suspicion comme réponse aux difficultés, il cultive en nous ce qui nous rend inaptes au jeu démocratique, il s'attache à nous disqualifier comme citoyens engagés pour nous faire reprendre notre place de mouton dans le troupeau que sa crainte du loup pousse à se réfugier sous la protection d'un berger.
Ce stratagème politique n'a rien de nouveau. Nous l'avons subi dans le passé et presque tous les peuples l'ont connu. Il est quand même étrange de voir qu'à l'heure des satellites et de l'internet, nous ne sommes pas dispensés de tomber dans ses filets.