Ce qui est remarquable avec les vidéos de Abir, qui se suivent désormais à un rythme soutenu, c'est la façon dont les autres députés de son groupe se tiennent sagement, dans le rôle de la potiche qui porte une pancarte, pendant que la cheffe se met en vedette.
Abir se donne l'air de se battre comme un beau diable contre un ennemi redoutable, mais elle perpétue par sa manière de faire de la politique ce qui est sans doute l'ennemi le plus pernicieux de ce pays à travers les âges : la tendance du chef à effacer ses collaborateurs, à s'approprier le mérite de toute initiative, à maintenir dans l'ombre de l'anonymat tout rival possible…
C'est l'ennemi le plus pernicieux parce qu'il nous a longtemps condamnés à subir des gouvernements qui exerçaient une forme ou une autre de despotisme, mais aussi parce qu'il a créé chez nous une sorte de handicap, une incapacité à administrer la chose publique dans un esprit d'équipe et de co-responsabilité. A telle enseigne que sans cette figure tutélaire du chef, nous sommes persuadés que tout ne peut qu'aller de travers, que ce sera l'anarchie assurée…
En un sens, la révolution est venue révéler ce conditionnement de nos esprits par le modèle despotique. Elle a révélé l'ampleur de l'inquiétude dans laquelle nous sommes capables de tomber dès que ce modèle vient à manquer...
Mais Abir, comme son nom l'indique, vous fait passer le cap : elle vous ramène en arrière, dans le monde d'avant, et vous voilà apaisés ! Même si l'Histoire, elle, continue d'avancer et d'ouvrir des perspectives nouvelles en termes d'expériences de partage du pouvoir, à l'échelle aussi bien du pays que du village, de l'entreprise que de la famille…