Il n'y a rien de très étonnant à ce que certains de nos compatriotes tombent en pamoison devant le spectacle du Caire. Ce sont à peu près les mêmes qui s'accommodent de toutes les injustices commises autrefois chez nous envers le peuple, pourvu que soit sauf le prestige de la nation face au monde. Peu importe le fruit et sa pulpe : tout est dans l'image et dans le clinquant de l'écorce.
Du reste, sans vouloir jeter la pierre au passé glorieux de l'Égypte, c'est quand même la civilisation qui, pour la construction de ces merveilles que sont les pyramides, faisait trimer le peuple à coup de fouet et pratiquait l'esclavage à large échelle.
Ce qui signifie que les gouvernants avaient droit de vie et de mort sur les gouvernés. La pouvoir de Sissi s'inscrit dans la continuité de ce point de vue. Le spectacle qui nous a été donné en est comme l'aveu.
Mais, soyons justes, le passé de l'Égypte a un autre visage, qui est celui de ses artisans et de ses savants. Raison pour laquelle, du temps de Socrate et même bien avant, le voyage en Égypte était considéré comme une obligation pour quiconque voulait être compté parmi les sages.
Paradoxalement, le côté sombre et inhumain de cette civilisation n'a pas empêché que l'Égypte soit un phare pour le monde. Dans l'absolu, il est donc bon d'en raviver le souvenir. (En particulier face à une pensée religieuse qui veut s'imposer aux consciences par l'occultation du passé). Une nation a besoin de ses racines les plus profondes pour exister.
Malheureusement, quand c'est un dictateur qui, pour mieux asseoir son hégémonie sur le peuple, entreprend ce travail de mémoire, ce n'est pas l'aspect lumineux du passé qu'il réveille. C'est l'autre ! Et on se demande même s'il ne conforte pas le parti de l'occultation.
Toute dictature est l'alliée objective de l'obscurantisme, même quand elle prétend le combattre. L'histoire nous montre que son combat ne fait que le renforcer. Nous peinons seulement à le comprendre.