JOHN MAYNARD KEYNES (1883-1946)

« Les deux vies marquantes du monde économique où nous vivons sont le premier que le plein emploi n’y est pas assuré, le second que la répartition de la fortune et du revenu y est arbitraire et manque d’équité ». Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, 1936


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1/ Biographie

J. M. Keynes naît en 1883 à Cambridge. Son père fut professeur de logique et d’économie politique, et sa mère, Florence Ada, l’une des premières femmes diplômées de Newham Collège ; en 1932 a été élue maire de Cambridge. Après des brillantes études à l’aristocratique école d’Eton, il entre au King’s collège de Cambridge. Outre les mathématiques, il suit les cours des économistes les plus éminents de l’époque : Alfred Marshall (1842 – 1924) et Arthur Pigou (1877 – 1959). Devenu l’assistant de ce dernier en 1908, il publie en 1912 son premier livre, Indian Currency and Finance. En 1909, il soutient sa thèse sur les probabilités. En 1911, grâce à l’appui d’Alfred Marshall, il devient le rédacteur en chef de l’Economic Journal.

2/ Place de Keynes dans l’histoire de la pensée économique

Bien avant la grande crise des années 1930, Keynes perçoit l’instabilité du système économique et l’inexistence de mécanisme autorégulateurs. En ce sens, il s’oppose aux auteurs classiques qui se réfèrent à la loi des débouchés de J.B. Say (1767–1832) : ″Toute offre crée sa propre demande, il ne saurait y avoir de surproduction majeure et durable ″. Il considère que cette loi n'est pas crédible, car elle ne correspond qu'au cas particulier - et peu vraisemblable - où l'épargne serait entièrement transformée en investissement.

En 1936, il publie son œuvre majeure « Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie » ; Keynes y met en cause les postulats des économistes classiques ; il place la recherche du plein emploi au cœur de l’économie et expose les politiques économiques à mettre en œuvre pour y parvenir.

3/ Démarche

La démarche keynésienne s’inscrit donc en rupture avec celles de ses prédécesseurs :


• Par son caractère d’emblée macro-économique (l’approche classique étant microéconomique) ;

• Par son raisonnement en termes de circuit (les dépenses des uns –consommation et investissement – sont les revenus des autres) dans lequel la monnaie et les taux d’intérêt jouent un rôle fondamental (une hausse de la masse monétaire accroît les revenus et stimule la demande) ;

• Par la prise en compte de l’incertitude des anticipations, source d’instabilité des comportements d’investissement.

4/ Le marché du travail :

Le marché du travail est l’exemple type de rupture entre Keynes et ses professeurs, particulièrement Arthur Pigou. Pour ce dernier le marché du travail est un marché comme un autre et toute la main-d’œuvre disponible doit normalement trouver à s'employer (si l'on excepte le ″chômage frictionnel″). S'il y a pourtant du chômage, c'est soit du fait des travailleurs eux-mêmes, qui refusent le salaire qu'on leur propose (arbitrage entre oisiveté et travail), soit du fait des imperfections du marché du travail. Bref, le chômage ne peut être que volontaire.

« (…) si la libre concurrence parfaite joue parmi les travailleurs et que le travail est parfaitement mobile (…), il y aura toujours une forte tendance en action pour mettre le taux des salaires dans un rapport tel avec la demande que tout le monde sera embauché ». (A. Pigou)

Pour Keynes, il n’existe pas de véritable marché du travail. Les chefs d’entreprises déterminent le niveau de l’emploi de façon unilatérale en fonction du niveau de la demande effective (la demande anticipée de bien de consommation et de bien d’équipement -investissement-).

« le volume de l’emploi, (…), est gouverné par le montant du produit que les entrepreneurs espèrent tirer du volume de production qui lui correspond ».

Autrement dit, si les entrepreneurs sont pessimistes, ils anticipent un niveau de demande inférieur à celui que souhaiterait réaliser les agents économiques. Dans cette optique d’analyse le chômage est dû à une insuffisance de la demande effective et non pas de l’offre, comme le suggère les classiques ; par conséquent, il est forcément involontaire.

Cette demande est « effective », se compose de la demande intermédiaire - celle des entreprises - et surtout de la demande finale. Celle-ci dépend d'abord du niveau des revenus (propension moyenne à consommer), du taux d’intérêt (arbitrage entre consommation et épargne : propension marginale à consommer) et l’efficacité marginale du capital (rendement interne du capital).

Selon Keynes, la baisse des salaires prônée par ses prédécesseurs est donc à la fois inefficace et nuisible :


• Elle est inefficace car l’offre de travail ne dépend pas du salaire réel mais du salaire nominal. Les salariés sont victime d’illusion monétaire, c’est-à-dire qu’ils ne prennent pas en compte l’inflation ;


• Elle est nuisible car elle conduit à une baisse des revenus des ménages. Cette baisse entraîne une réduction de la consommation et donc de la demande. L’insuffisance de la demande génère une hausse du chômage involontaire.

En claire, Pour les classiques, au sens keynésien, (néologisme créé par Olivier Favereau) le salaire est un coût qu’il faut minorer pour favoriser l’emploi. Pour Keynes, le salaire est un revenu dont le montant détermine le volume de production et le niveau de l’emploi. Par conséquent, il préconise des politiques de relances pour augmenter le niveau de la demande.

Il revient alors à l'État de prendre toutes mesures propres à relancer et à favoriser la demande globale, au besoin en l'alimentant avec ses propres dépenses publiques.

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