Quand on est sur Facebook, mieux vaut s'attendre à ce que le niveau du débat ne soit pas haut. Mais bon : difficile d'éviter la surprise parfois. Comme lorsqu'on vous explique que si vous critiquez telle mesure contraire au respect des droits des personnes, c'est que, contre notre cher président, vous travaillez au rétablissement de l'ancien système parlementaire, synonyme de corruption.
Kaïs Saied, dont le nom a une petite consonnance césarienne, a aussi avec l'illustre homme politique romain le point commun qu'il a "franchi un rubicon" : qu'il ait eu raison ou tort, l'histoire nous le dira. Peut-être que la corruption, qui condamne toute volonté d'émancipation du peuple à l'enlisement, a-t-elle besoin pour être terrassée d'une politique aux contours étonnants et hors-normes, d'une politique qui comporte elle-même une forme de brutalité comme celle que nous donne à voir Kaïs Saied. On ne peut l'exclure. Comme on ne peut non plus l'assurer.
Mais dénoncer telle ou telle décision particulière, faire part de son étonnement face à des comportements policiers et judiciaires que nous avions perdu l'habitude de voir autrement que sous forme de survivances plus ou moins marginales, cela ne veut pas dire qu'on remet en cause le projet dans son ensemble.
Il est vrai que le projet en question n'est pas servi par le caractère douteux de certaines méthodes auxquelles il a recours. Ces dernières jettent naturellement le trouble, qu'on le veuille ou pas. Mais cela ne suffit pas pour tout condamner : critiquer les moyens, ce n'est pas critiquer les fins.
En revanche, vouloir jouer sur cet amalgame, en essayant d'interdire toute critique, c'est donner au projet une tournure liberticide qu'il n'avait peut-être pas au départ mais qui, si elle était maintenue, ne manquerait pas de pervertir le projet lui-même, ses intentions initiales fussent-elles tout à fait saines.