La manifestation d'aujourd'hui a rassemblé une foule hétérogène, des Tunisiens d'obédiences et de bords politiques divers, des juristes attachés au respect de la Constitution et des institutions, des personnalités publiques et des citoyens tunisiens sans appartenance politique venus exprimer leur désaccord avec les mesures présidentielles du 25 juillet et clamer leurs revendications.
Un éventail de mots d'ordre étaient scandés, soit la restauration de l'institution parlementaire ou l'organisation d'élections législatives et présidentielles anticipées, l'arrêt des mesures exceptionnelles, l'opposition à la détention des 3 pouvoirs par le président de la République, un dialogue national avec les partis politiques et forces syndicales du pays et leur colère contre les mesures restrictives de sécurité à l'encontre du déroulement de la manifestation.
Le nombre des manifestants et leur hétérogénéité étaient suffisamment importants pour interpeller tout esprit intelligent, réaliste et soucieux d'être à l'écoute des divergences et oppositions au sein de l'opinion publique.
Le rejet primaire et l'exclusion de cette forme de résistance hétéroclite souvent attribuée et limitée à la seule mouvance de Ennahdha, de ses acolytes et autres députés gelés alors qu'elle est bien plus large et qu'elle comporte d'autres citoyens tunisiens issus d'autres franges de la société tunisienne, procède de l'autisme politique officiel et d'une certaine adhésion inconditionnelle sans discernement d'une autre frange de la société.
Un dirigeant, un haut responsable, un chef d'état doit être à l'écoute du pays, prendre le pouls du peuple dans sa globalité. Il doit pouvoir en tenir compte et donner l'importance appropriée aux voix dissonantes, à l'opinion différente, divergente et clivante.
L'administration des affaires publiques s'articule entre l'écoute, l'état des lieux et la négociation. Il ne peut y avoir de continuité de gouvernance sans dialogue national avec les formations politiques et centrales syndicales pour trouver une issue politique et notamment économique et sociale.
Gouverner seul et contre tous en accentuant les clivages et ne pas assumer son rôle de fédérateur à moyen et long terme, même avec une relative adhésion populaire, est une utopie d'ordre autocratique qui avec l'exacerbation de la crise économique risque un effet boumerang réversible de mécontentement social et précipiter le pays dans l'inconnu.