Au lendemain de la Seconde guerre mondiale, et après la découverte des abominations nazies, les "Alliés" ont fait le choix de soutenir la création d'un État juif sur les terres de Palestine, conformément au vœu de beaucoup de Juifs qui n'entendaient plus mener leur existence en demeurant à la merci de la haine populaire et de ses retours cycliques.
Mais conformément aussi au vœu des dirigeants européens qui faisaient ainsi l'économie d'un processus de réconciliation laborieux et incertain, qui risquait de faire le jeu du camp communiste. Oui, il y avait bien un risque que le ressentiment juif contre les populations des pays d'Europe de l'ouest se traduise par un "passage à l'est", aux conséquences tout à fait redoutables.
Bien sûr, s'ajoutait à cela la mise en place d'une sorte de vigie occidentale au cœur de cette zone stratégique et hautement convoitée qu'est le Moyen-Orient, avec ses réserves fabuleuses de gaz et de pétrole dont le contrôle assurait, pour ainsi dire, la domination sur l'économie mondiale. Toute menace venant d'un tiers qui viserait la région et ses ressources serait assimilée à une menace contre le peuple juif replié sur son dernier carré de survie.
Cette manœuvre, dictée par l'Histoire, a donné ses résultats. L'empire soviétique s'est effondré et l'Occident mène à peu près sa barque. C'est d'ailleurs ce dont la Russie de Poutine fait le constat, comme d'un défi à sa propre existence, et à quoi elle prétend répondre à travers son "invasion préventive" de l'Ukraine.
Mais il y a des contreparties imprévues à la manœuvre. La vigie s'est laissée piéger par son rôle de circonstance. Elle est comme ce monstre qui échappe à son créateur. Alors que la menace pour laquelle elle a été conçue a cessé d'exister, elle continue d'exercer sa mission "défensive" d'intimidation et d'agression.
Le peuple palestinien en subit la grosse part des effets. Nous nous étonnons de la passivité du monde, et de l'Occident en particulier, face aux injustices flagrantes et répétées contre les Palestiniens. Nous croyons dénoncer de la complaisance et même de la complicité.
La vérité est que l'Occident paie le prix d'anciennes manœuvres dont il est lui-même l'instigateur, qu'il ne peut donc pas désavouer. Sa complaisance et sa complicité sont le visage de son impuissance face à la vérité de son propre machiavélisme. Car pour le bien de son hégémonie, l'Occident a repoussé la nécessité d'une réconciliation avec la partie juive de sa population, en poussant cette dernière à aller chasser de ses terre un peuple qui fut pourtant étranger à ses malheurs.
Il est l'otage de ses propres agissements, lui qui a pourtant triomphé du reste du monde. C'est ce que les historiens des générations à venir appelleront peut-être un jour la "situation paradoxale".