Si personne ne veut assumer la paternité d'une Constitution née bâtarde et arriérée, hormis celui qui l'a enfantée en s'octroyant droit de vie et de mort sur le peuple tunisien, c’est que quelque part tous savaient que l'épilogue de la tragi-comédie que nous vivons depuis bientôt un an ne pouvait être qu'à l'image d'un État médiocre, corrompu, vérolé et dont tous les membres sont gangrenés depuis des lustres.
Et la gangrène évolue rapidement si d'aventure on ne procède pas dans l'urgence à des amputations douloureuses.
Le diagnostic était connu depuis longtemps, or, ce qui avait toujours manqué, c'était le courage de dire au grand malade que la chirurgie était nécessaire pour sauver ce qui pouvait encore être sauvé...Personne n'avait eu ce courage de crainte que le malade ne fuît l’hôpital et ne ruât dans les brancards de la République, alors que le corps se décomposait et qu'il était presque dans un état de putréfaction....
La famille réunie au chevet du grand malade avait choisi un charlatan, un bonimenteur, parce qu'elle se méfiait de la médecine et des médecins et parce que ceux-là craignaient la réaction de la famille…
Ce charlatan ne disposait d'aucun savoir, d'aucune science, mais il savait être éloquent et parler un sabir incompréhensible que la famille fascinée par le verbe inintelligible, assimilait, à cause de son ignorance, à une nouvelle érudition, à une nouvelle science, à ce quelque chose de mystérieux auquel les naïfs et les désespérés s'accrochent quand toutes les tentatives de sauver le malade ont échoué...le désespoir rendant les personnes les plus lucides…crédules....
Entre-temps l'état du malade s'aggrave, et plus il s'aggrave, plus la foule ignorante se tourne vers les sciences occultes, les amulettes et les chamans pour exorciser un mal hélas incurable…
Tôt ou tard, les membres infectés seront amputés et le chaman finira sa vie soit dans un asile, soit dans un ermitage soit en prison …
Même les personnes les plus stupides finissent par se ressaisir et comprendre le sens de la supercherie…
Deux ou trois choses qui doivent être dites....
Il n'existe pas une résistance au putsch, dont la concrétisation à travers l'adoption de la Constitution rétrograde et arriérée constituera un sérieux revers pour toutes les forces démocratiques, il existe des résistances et au sein de chaque résistance existe d'autres résistances si bien que réunir tout ce beau monde autour d'une stratégie et d'objectifs communs relève de la gageure…
Dans une nation démocratiquement développée le compromis entre forces politiques opposées est facile à trouver quand la démocratie est en péril, en Italie, dans les années de plomb et pour faire face au terrorisme rouge, Démocrate-chrétienne et parti communiste ont formé un gouvernement d'union nationale, ce compromis historique entre les frères ennemis a permis à l'Etat italien de gagner sa guerre contre les brigades rouges.
En Allemagne et depuis des années les deux grandes forces politiques du pays, pourtant antagoniques, gouvernent ensemble en l'absence d'une majorité franche pour l'une ou pour l'autre.
En Tunisie hélas, alors que la dérive monarchiste-fasciste se précise de plus en plus, les forces démocratiques continuent à se chamailler comme de petits gamins capricieux et à se livrer des batailles idéologiques anachroniques et franchement ridicules …
Quand le tsunami fasciste emportera tout le monde, remords et regrets seront inutiles. Cette bataille, soit on la gagne ensemble soit on la perd ensemble, et si on la perd, c'est qu'on a choisi délibérément de la perdre .