Incontournable pour les spécialistes de Sciences Po et de sociologie Politique, je me souviens l'avoir trouvé très utile pour les non-spécialistes comme moi, et très actuel en Tunisie surtout depuis 2016 jusqu'à récemment. C'est quand je me réfère au concept de "Conflits de Conflit" (CC) - excellemment développé par l'auteur.
Ce concept permet d'identifier l'activité de certains partis politiques aspirant au pouvoir à travers la provocation de "conflits" visant leur prise en compte dans l'agenda officiel de l'État. Ces conflits provoqués permettent d'atteindre plusieurs objectifs tels que l'investissement de l'espace public, et donc la maximisation de la part du "marché politique".
La stratégie du « conflits de conflit » , plutôt adoptée par des petits partis ou naissants, repose sur le choix du conflit, mais aussi sur sa "portée". Quant au choix du conflit, il offre à son initiateur l'opportunité de s'accaparer un "thème" de revendication par un légitimisme qui se confirme au fur et à mesure de l'intensification des activités/manœuvres, de sorte que si le thème accaparé est suggéré par un autre parti politique, ce dernier serait intimidé et trouvé dépourvu d'originalité et de crédibilité.
Ainsi, le PDL -qui se dit plagié sur un thème standard (la gestion de la dette) - alors qu'il est un parti populiste qui, par construction, ne peut pas disposer d'experts économistes indépendants d'esprit, sinon d'une élite non fonctionnelle- s'est positionné par rapport a nouvelle classe politique pour l'évincer en choisissant la Ennahdha comme première cible; le Tayyar -même cible- a privilégié la ‘’corruption’’, et pour Makhlouf, "winou el-petrol", les Karoui se sont focalisés sur la "pauvreté".
Kaïs Saied de son côté, a repris un thème moraliste consistant à taxer tous ses adversaires politiques de malhonnêteté et de corruption, et cela n'a presque jamais manqué dans ses discours - et les accusant d'avoir échoué dans la gestion du pays.
Il est à noter que ces thèmes sont facilement abordés par le citoyen lambda et sont continuellement mobilisateurs de nouveaux adhérents. Ceci conduit au deuxième facteur de la stratégie du « conflits de conflit », à savoir la "portée" sur laquelle ces politiciens s'appuient lorsqu'ils déclenchent leurs conflits.
La résolution envisagée par Schattschneider (par opposition à la théorie des groupes en la critiquant d'avoir supposé que le gouvernement ne fait que ratifier l'équilibre des pouvoirs existant entre les groupes.) pour identifier les adversaires de ce type est purement juridictionnelle, ce que l'on retrouve en substance dans l'ensemble de leurs arguments.
En effet, les motions de censure contre Fakhfakh ou contre Ghannouchi ainsi que l'annulation de la constitution de 2014 étaient autant d'exemples de résolution juridictionnelle de la stratégie du « conflits de conflit ». Aussi, cette stratégie, basée essentiellement sur la rhétorique et donc la mise en scène, même si elle peut engendrer d’énormes coûts, voire une crise, surtout quand c’est conjugué avec un populisme n’étant dévoilé qu’aux yeux d’une Elite au champ d’exercice de plus en plus réduit.