Il y avait foule, 14 janvier, mais on pouvait comprendre assez rapidement que ce n'était pas celle des grands jours. Parce qu'elle ne respirait pas de ce souffle qui seul renverse les tables de l'Histoire. Et parce que la loi du morcellement continuait à commander bien des choses : de la position prise par les uns et les autres dans l'espace en fonction des allégeances politiques à certains aspects physiques qui font office de signes de reconnaissance à l'intérieur de chaque clan et entre eux.
Mais il est incontestable qu'il y avait là comme un exercice, une manœuvre préparatoire. Et que la dispersion des camps laissait transparaître une certaine disposition à la coexistence, par-delà quelques slogans hostiles.
Le spectre de la dictature et la colère contre l'imposture l'emportaient sur les anciennes querelles. Chacun pouvait voir dans l'ancien adversaire un allié en puissance face au péril grandissant du jour.
Sur l'avenue, les frontières qui séparaient les groupes de manifestants étaient plus que poreuses : elles étaient à peine visibles. Se présentant beaucoup plus comme le lieu de regroupements spontanés au gré des affinités que comme celui de camps retranchés…
Bref, le temps de la gestation et de la préparation se poursuit. La rue gronde, mais n'a pas fini d'accorder ses vocalises pour produire ce son électrique qui fait tout tomber sur son chemin.
On repassera donc. La patience doit encore faire son œuvre. En attendant, je m'interroge en compagnie d'une amie sur le sens que, oui ou non, peut avoir le spectacle d'un coucher de soleil. Si on peut y voir un texte à déchiffrer, un message à décoder, et sur le rôle des poètes dans ce travail d'interprétation.