L’ACTIVE PRÉPARATION DU « DAY AFTER »

Des plans politiques sont échafaudés pendant qu’on massacre à Gaza. Tant de calculs froids, de concertations, de rivalités ayant pour enjeu l’avenir palestinien… Ce n’est pas un génocide qui est en cours à Gaza. C’est juste un délai de réflexion accordé à différents protagonistes pour peaufiner leurs stratégies. Et le monde entier semble adhérer à cette vision. Car si un génocide était en cours à Gaza, l’humanité civilisée serait intervenue pour y mettre fin.

Mais puisqu’elle ne le fait pas, c’est que c’est une action d’intérêt public planétaire qui s’y passe. Quelque chose comme une opération de désinsectisation ou de dératisation à grande échelle, par exemple, menée sous les auspices de la communauté internationale. Ou alors Gaza est contaminée par des déchets toxiques qu’on voit enveloppés dans des sacs blancs en vue de leur enfouissement. L’action de salubrité doit aller au bout afin qu’on puisse passer à autre chose.

C’est un trio qui se concerte, autour duquel les États-Unis ont fait le vide grâce aux accords d’Abraham et aux porte-avions qu’ils ont déplacés dans la région pour dissuader de toute « extension du conflit » mais aussi de tout élargissement du dialogue : Israël, l’Autorité palestinienne et eux-mêmes. Ensemble, ils se projettent dans l’avenir qu’ils veulent proche où Israël en aura fini avec Gaza et le Hamas. Ils ont été surpris par l’attaque du 7 octobre, ils ont besoin de ce temps suspendu, de cet intermède de l’horreur, pour retomber sur leurs pieds et mettre la dernière main à leurs plans. Le calvaire de la population civile palestinienne est pour eux un contretemps somme toute bienvenu.

Mahmoud Abbas, qui habite dans le voisinage de Jenine dévastée par l’armée israélienne, se donne l’illusion d’être partie prenante aux chassés croisés diplomatiques qui se multiplient sous l’égide des Américains. Il a décidé de ne pas entendre l’appel que lui a lancé le Hamas durant la semaine écoulée à « dépasser les accords d’Oslo, à mettre un terme à la coordination sécuritaire et à passer à la résistance totale ». Il a mis toute sa confiance en Anthony Blinken et Jake Sullivan qui ne le rencontrent pourtant, entre deux tête-à tête avec Netanyahou, que pour s’assurer qu’il se tiendra tranquille le temps qu’ils accordent leurs violons avec Israël.

Au langage diplomatique des émissaires américains, Netanyahou superpose un discours menaçant : il a déclaré il y a quelques jours que son gouvernement était prêt à combattre les forces de sécurité de l’Autorité palestinienne si celle-ci montrait la moindre velléité de sortir du pacte de soumission auquel elle a consenti. Mahmoud Abbas ayant fait savoir que ses services étaient prêts à assumer l’administration de Gaza quand la guerre y prendrait fin, le premier ministre israélien lui a répondu que le territoire resterait sous l’autorité sécuritaire d’Israël même s’il devait pour cela ramener Abbas à la raison par la force.

A part les appels du pieds du Hamas, qu’il est décidé à ignorer, Mahmoud Abbas est seul face aux manigances américaines et israéliennes. L’Égypte et le Qatar sont assignés à un rôle de factotums chargés de transmettre au Hamas les propositions de Washington et de Tel-Aviv relatives aux trêves humanitaires qu’ils souhaiteraient négocier, tout cessez-le-feu étant exclu. Le Qatar est notamment sous la menace explicite d’expéditions menées sur son territoire par le Mossad pour éliminer la direction politique du Hamas qui s’y trouve. La propagande israélienne, relayée sur la toile par des mercenaires marocains, fait circuler des rumeurs sur leur expulsion de Doha pour que l’Émirat saisisse le sens du conseil qui lui est amicalement adressé.

Américains et Israéliens ne parlent d’ailleurs plus, sans la moindre retenue, que des assassinats ciblés qu’ils projettent ensemble contre les dirigeants de la résistance à Gaza même : c’est la « 3e phase » de la guerre, voulue « d’une moindre intensité », que Washington incite Tel-Aviv à entamer au plus vite, l’aide des spécialistes américains dans les liquidations physiques en tout genre lui étant sans doute promise. Les autres États de la région sont impatients de voir la résistance de Gaza écrasée pour que les affaires puissent reprendre avec Israël au grand jour.

Si l’Algérie, qui tarde à accueillir les 400 blessés palestiniens orientés vers ses hôpitaux, demeure solidaire avec la Palestine, c’est sur le strict plan de l’hébergement sportif : l’équipe nationale palestinienne s’y prépare aux prochaines compétitions. Comme dans le meilleur des mondes où tout va pour le mieux!

Quelques milliers de combattants armés et une population survivant par un miracle chaque jour renouvelé retardent l’heureux avènement du « Day After ». Le village peuplé d’irréductibles Palestiniens est transformé en ruines par des ennemis agissants mais il peut compter sur la sympathie d’amis impuissants.

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