Il est vrai qu'il existe aujourd'hui dans le monde, à côté de l'opposition qui rassemble les partisans des Palestiniens et les partisans des Israéliens, une autre opposition dans laquelle on retrouve d'un côté les partisans plus ou moins extrémistes du rapport de force et ceux qui défendent la cause de "la paix et la justice"... Il est bon de le rappeler comme le font avec courage certaines personnes, surtout de l'autre côté de la Méditerranée. Je pense en particulier à une personne - citoyenne française et d'origine juive -, qui souligne que la vraie résistance n'est pas à trouver dans l'un ou l'autre des deux camps qui s'affrontent au sein de la première opposition, mais plutôt du côté de ceux qui prennent sur eux d'aller contre le courant de leur propre tribu pour défendre la cause de la justice et de la paix.
Il me semble pourtant que ce discours aurait plus de sens dans un contexte où l'actualité ne nous ferait pas parvenir tous les jours l'effroyable décompte macabre des victimes civiles, toujours du même côté : celui des habitants de Gaza. A qui, soit dit au passage, il n'est permis à personne de voler le titre de résistants.
Mais oui, il est toujours bon de marquer sa différence d'avec ceux qui se déshumanisent au nom de la précellence de la tribu. L'ampleur des massacres est telle, d'ailleurs, qu'il faut avoir le cœur bien noirci pour n'éprouver aucun inconfort au spectacle de ce qui se passe. Ce qui est mieux encore, cependant, c'est d'accorder ses positions à la réalité des situations.
Ce que font aujourd'hui l'Etat d'Israël et son armée, ils le font au nom des Juifs. Aussi bien ceux qui vivent en terre de Palestine que les autres. Et la violence qu'ils infligent aux Palestiniens de tout le poids de leur aviation et de leurs tanks, c'est une violence qu'ils infligent aussi aux Juifs du monde en les rendant implicitement complices de ces crimes de guerre dont tout le monde s'accorde à dire qu'ils sont sans précédent - si l'on excepte sans doute les crimes nazis et les bombes atomiques larguées sur le Japon par les Américains.
Avant de se saisir de l'étendard de la paix et de la justice, ne convient-il pas d'abord de crier : de crier son refus, non seulement de la barbarie, mais de ce qu'elle puisse être commise en son nom à soi ?
Certes, la seconde opposition a été rendue inaudible par le vacarme de la première. Certes, on n'entend pas assez parler de ceux qui continuent de chercher des solutions. Mais je ne crois pas que le moment soit aujourd'hui celui d'un sursaut, qui nous enjoindrait de débattre de l'option des deux Etats tandis que les bombes pleuvent sur la tête des Gazaouis.
S'il y a un débat qui reste possible, dans le contexte actuel, c'est celui qui interroge justement sur les raisons pour lesquelles le parti qui défend la justice et la paix n'a pas réussi à se faire entendre tout au long de ces nombreuses années d'occupation et de colonisation agressive. Il y a une faiblesse intrinsèque qui caractérise ce parti, et le phénomène déborde d'ailleurs le cadre du conflit israélo-palestinien... L'effondrement de la politique de préservation de la paix, avec son instrument onusien du Conseil de sécurité, en est en un sens un des symptômes les plus significatifs.
Sommes-nous encore, nous les enfants de ce 21e siècle, capables de construire la paix parmi nous ou sommes-nous en train de laisser à nouveau certaines puissances occultes s'emparer des rênes du monde ?
Mais pour que cette question ait un sens, pour que nous soyons dignes de nous la poser sérieusement, il faudrait que nous sachions regarder d'abord la barbarie en face pour lui crier un "non" sonore. Si nous regardons ailleurs, alors les questions que nous nous posons et les débats que nous chercherions à susciter ne seraient probablement que des diversions.