Le conflit au Moyen-Orient s’est élargi. Les chanteurs de la Croisade occidentale décrivent la violation de la souveraineté de l’État yéménite, au mépris des règlements de l’ONU, avec le bombardement de plusieurs sites militaires qui semblent n’avoir causé que quelques morts, comme une action nécessaire pour rétablir l’ordre. Nos analystes qui, il y a encore quelques semaines, admettaient la réticence du Liban et de l’Iran à se laisser entraîner dans un conflit régional, avec la cohérence et la logique qui les distinguent, pointent du doigt les Houthis et le Hezbollah, manœuvrés par l’Iran, protagonistes de l’escalade.
Comme il est facile de transformer la réalité face à une opinion publique habituée à la bonne nouvelle de l’Occident forcé de massacrer des femmes et des enfants à Gaza et de punir les rebelles houthis pour le bien commun. Le ministère des Affaires étrangères exprime son soutien à l’attentat anglo-américain. Tajani mentionne l’Italie qui travaille mystérieusement pour la paix.
Regardons les faits pour comprendre qui est intéressé par l’escalade qui, si elle provoque des réactions en chaîne de l’Iran, de la Russie et de la Chine, matérialiserait le risque d’un conflit nucléaire.
Heureusement, les autocraties criminelles ont les nerfs solides. Moscou et Pékin se contentent de stigmatiser les violations anglo-américaines de la souveraineté yéménite, appelant à une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, mais se gardent bien de faire allusion à une réponse. Téhéran s’insurge et accuse, mais ne va pas au-delà du radicalisme verbal. Les provocations sont malheureusement occidentales.
Les représailles disproportionnées d’Israël, les crimes de guerre, l’intention génocidaire de Tel-Aviv à Gaza sont soutenus par les États-Unis et les démocraties occidentales. Le gouvernement Netanyahou, qui est en train de perdre la guerre à Gaza parce qu’il ne parvient pas à démanteler les structures du Hamas et ne massacre que de pauvres civils, soit 2% de la population de Gaza, attaque le Liban et la Syrie pour sa survie politique.
L’attentat revendiqué par l’Etat islamique, perpétré selon des experts sur la base des services américains qui ont pu piloter l’organisation pendant des années, touche la population civile en Iran, avec 84 morts et plus de 200 blessés. Les déclarations du Hezbollah et de Téhéran continuent d’être contre la guerre. Les condamnations des exactions américaines ne conduisent pas à de véritables réponses militaires autres que de nature symbolique. La seule réaction est celle des Houthis qui, en frappant des navires israéliens et en appelant à un cessez-le-feu à Gaza, ont mis en péril les mouvements navals et commerciaux en mer Rouge.
La réponse du shérif, qui n’est plus qu’un tyran, ayant perdu son autorité hégémonique fondée sur le pouvoir économique et social et les stratégies géopolitiques rationnelles, est immédiate : nouvelles violations du droit international, attentats à la bombe quelles qu’en soient les conséquences possibles. Le citoyen qui réfléchit se demande pourquoi il n’est pas possible de donner de l’espace à la diplomatie, en rétablissant le droit international et le droit onusien. Les États-Unis, s’ils étaient l’hégémon bienveillant décrit par nos chroniqueurs, forceraient Israël à un cessez-le-feu à Gaza. Il suffirait de retirer les porte-avions et de menacer la fin des approvisionnements militaires. Le gouvernement criminel de Netanyahou tomberait, ce qui permettrait à une nouvelle direction à Tel-Aviv de négocier le retrait de Gaza, une gouvernance intérimaire.
La diplomatie pourrait reprendre ses activités, en impliquant les protagonistes, les pays arabes alliés, l’Iran et la Russie dans la recherche de la paix au Moyen-Orient.
Dans son plaidoyer devant la Cour internationale de Justice, l’avocat sud-africain a déclaré qu’aucun acte, aussi barbare soit-il comme celui du Hamas le 7 octobre, ne justifie le carnage d’un groupe ethnique condamné à la faim et à la maladie. De plus, l’acte terroriste du Hamas est précédé d’expéditions punitives récurrentes à Gaza et de crimes de guerre israéliens.
Les analystes, gens respectables, éduqués et cultivés, transforment la réalité, le sentiment commun. Les actes de force, contraires au droit international, sont légitimes et bénis. Peu à peu, nous nous convainquons que tout est de la faute de l’Iran, Belzébuth qui est redescendu sur terre, manipulé par Moscou. Une nouvelle guerre va commencer qui va enrichir les multinationales, les oligarchies qui sont derrière le pouvoir de Biden et Trump. L’inflation et la baisse des taux d’intérêt faciliteront le refinancement de la dette. Les victimes des guerres, les pauvres du monde, les classes les plus défavorisées d’Europe en paieront le prix.
L’UE se prépare à une action en mer Rouge. Prenons les armes, faisons notre part ! Le citoyen qui réfléchit se demande où est passée la Constitution. Elle voudrait une Europe pacifique, médiatrice, autoritaire, qui reconnaisse l’État de Palestine et condamne les violations du droit international. Une Europe qui revient à l’ONU et aux espoirs d’après-guerre enterrés par l’atlantisme belliciste.