La Post-politique

Nous avons surmonté la post-démocratie. Cela consistait à utiliser de faux signes. La post-démocratie que nous avons eue au cours des 40 dernières années était une farce, dans laquelle nous faisions semblant d’être ce que nous n’étions pas.

La post-politique dans laquelle nous sommes déjà entrés est différente : elle n’utilise pas de faux signes, mais des signes absurdes, elle joue sur la réaction émotionnelle instantanée, elle vise un consensus qui ne dure que quelques jours.

Les signes absurdes, qui n’ont pas de sens et n’expriment pas de sens ou de projet, ne peuvent pas être démystifiés, car ils ne fonctionnent pas sur l’opposition vrai/faux. Ils nécessitent une adhérence extatique immédiate, ils disparaissent au bout de quelques semaines.

La campagne électorale actuelle pourrait être lue avec ces catégories. On ne s’en souviendra pas, rien n’ouvre l’avenir.

Mais je ne vais pas le lire, je ne vais pas appliquer cette catégorie pour interpréter ce qui se passe. Parce que la postpolitique voyage aussi dans ce médium, et que la polémique est la manière dont vit la postpolitique : elle est l’exaltation du signe insensé.

PS. Le signe insensé est un signe qui ne s’ouvre pas au possible. Il se réfère à lui-même, à l’instantanéité pure, à un nom pur qui cache l’éclipse de la politique.

La vie de la tradition

Sauver une tradition ne signifie pas s'en souvenir : cela signifie l'implanter dans le présent, lui permettant de générer une direction dans notre vie d'aujourd'hui. Sauver la tradition signifie expliquer ce qui n'est pas tenu, la promesse non tenue. Sauver la tradition, c'est lui permettre de tracer, aujourd'hui, un avenir, un projet, pour répondre aux angoisses et aux contradictions du présent.

La tradition meurt quand elle devient un autel, un souvenir du passé. La tradition meurt quand ils mettent des images de luttes que personne ne peut plus comprendre, parce qu'elles exprimaient une vie et une douleur d'alors, mais servent maintenant à détourner de la vie et de la douleur d'aujourd’hui.

Même l'image la plus vraie court toujours le risque de se transformer en son contraire, de se couvrir, de devenir solidaire avec le pouvoir, fonctionnelle à l'oppression.

La tradition meurt quand elle devient un goût "rétro", pour le dire avec Baudrillard : la tradition est sauvée parce qu'elle est embaumée, elle est momifiée.

La répétition sans greffe dans le présent est la mort de la tradition.

La façon la plus sournoise de tuer la tradition est de la faire vivre comme un exercice, comme une simulation : c'est à la place d'une vie qui n'existe pas.

Un passé qui ne trace pas l'avenir et n'offre pas de plan pour l'avenir devient inoffensif : il n'émet pas un air de célébration, mais l'atmosphère d'un enterrement, d'un délégué à la vie.

Heureusement la tradition est plus forte, elle perdure, c'est la résistance elle-même, elle diffère, attendre : attendre qu'il y ait une génération qui s'adapte et sache comment l'inculquer dans la vie.

La tradition peut résister à des millénaires, enterrés, silencieux, inouïs, attendant la génération à laquelle elle est destinée, qui n'est peut-être pas la nôtre, et même pas celle qui viendra après nous.

C'est à nous de transcrire des textes, d'Amanuensi, qui copie de vieux manuscrits, de vieux textes.

Chaque manuscrit copié, dit les médiévaux, est un coup pour le diable.

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