Je sens que l’élection présidentielle du 7 septembre ne va pas simplifier les relations quelque peu chaotiques que j’entretiens avec l’État algérien et ses institutions.
Aux réserves que m’inspirait déjà ce simulacre démocratique au moyen duquel l’électeur est convié à voter à blanc puisque le « candidat libre » Abdelmadjid Tebboune (le seul en tout cas à être « libre » de se présenter sans l’autorisation de l’autorité bureaucratique qui passe au crible la candidature de ses rivaux et en recale la plupart) est réélu d'office, s’est ajoutée l’anecdote pour me confirmer mon décrochage.
J’ai en effet reçu au cours de la dernière semaine d’un correspondant communiquant sous le nom de « ALGÉRIE » deux SMS successifs dont le premier m’invitait, « en cas d’absence durant les élections présidentielles » à veiller à toutes fins utiles à « faire établir une procuration légalisée avant le 3 septembre » et le second à vérifier en ligne sur la liste des bureaux de vote celui dans lequel j’étais inscrit.
Je me suis dans un premier temps émerveillé de cette attention soudaine et inédite que les autorités consulaires de Grenoble me témoignaient en tant que citoyen algérien actif doté des pouvoirs pléniers se rattachant à cette qualité.
Mais je me suis aussitôt avisé de l’incongruité de ces messages qui me parvenaient sur une ligne téléphonique ouverte depuis moins de 6 mois et dont je n’avais communiqué le numéro qu’à un nombre très restreint de personnes. Cependant, et je m'en étonne rétrospectivement, je n’ai pas douté une seconde que j’étais bien le destinataire de ces messages, me demandant seulement quel était ce prodige de la transparence numérique qui avait permis dans un délai si court aux services consulaires d’être mis en possession de mon numéro.
Une telle omniscience m’a troublé et j’y ai vu une énigme passablement inquiétante. Je balançais entre l’admiration pour des fonctionnaires qui faisaient preuve d’une efficacité si belle bien que menaçante et la crainte que cela fût le fait d’une surveillance extraterritoriale des ressortissants algériens aux mobiles non moins redoutables.
En fait, au lieu de surestimer mes correspondants et de céder au réflexe paranoïaque qu’ils nous inspirent si facilement, j’aurais dû penser à la consigne si souvent répétée par le héros de Conan Doyle à son compère le docteur Watson : afin de pouvoir envisager les seules hypothèses vraisemblables, il faut commencer par écarter celles qui sont impossibles.
Et, en effet, à la réception hier d’un troisième message du même expéditeur, j’ai compris qu’il y avait tout simplement erreur sur le destinataire car ce dernier SMS portait à ma connaissance l’adresse du bureau de vote qui m’était assigné à … Bordeaux, soit à 600 kilomètres de mon domicile.
L’ « ALGÉRIE » n’avait donc jamais songé à m’inciter à prendre le chemin des urnes présidentielles et en définitive mes relations avec les autorités consulaires demeurent dans l’ordre des choses établi depuis quelques décennies. De même que mon rapport aux procédures démocratiques à l’algérienne dont l’amélioration n’est pas du ressort de l’anecdotique.
Ce ratage dans la communication n’en démontre pas moins, de la façon la plus pratique qui soit, ce que nous enseigne la science politique : les citoyens sont des individus abstraits, égaux et interchangeables, au point semble-t-il de favoriser, ici ou là, quelque confusion.
Ce qui, en l’occurrence, s’avère contreproductif : la présidentielle ne gagnera pas un électeur à Grenoble et en aura peut-être perdu un à Bordeaux.