Tunis, le 3 septembre 2024
Suite à la décision prise par l’Instance supérieure indépendante pour les élections et communiquée à l’opinion publique par son président lors du point de presse du 2 septembre 2024 relative à la proclamation de la liste définitive des candidats aux élections présidentielles du 6 octobre, l'Association Tunisienne de Droit Constitutionnel, dans le cadre de ce qu'elle estime être sa responsabilité scientifique et patriotique, tient à souligner les points suivants:
- Considérant qu'il est incontestable que l'Instance Supérieure Indépendante pour les Élections est responsable, conformément à la Constitution et à la loi organique qui l’organise, de garantir des élections démocratiques, libres, pluralistes, honnêtes et transparentes, et qu'elle est soumise, conformément à la loi électorale, dans toutes ses actions et décisions, au contrôle du juge administratif, et que ce qu’elle considère, selon ses déclarations récurrentes être un mandat qui porte sur l’intégralité du processus électoral, ne signifie en aucune manière qu'il s'agit d'un mandat exclusif, ni qu'elle soit exemptée des exigences de l'État de droit qui présuppose nécessairement un contrôle juridictionnel faisant de l’instance un justiciable tenu de respecter les procédures contentieuses, leurs exigences et leurs conséquences.
- Considérant que le Tribunal administratif parce qu’il est l'organe juridictionnel compétent pour contrôler chaque étape du processus électoral afin de garantir les droits des électeurs et électrices, des candidats et candidates et la légitimité du processus électoral ainsi que la crédibilité des élections, rend par son assemblée plénière des décisions au nom du peuple, dotées de l’autorité de la chose jugée non susceptibles de recours et exécutoires, il n’appartient dès lors à aucune autre partie quelle qu’elle soit de les remettre en cause, d’en apprécier le bien-fondé ou de refuser de les appliquer.
- Considérant que l’exigence de l'État de droit quant au respect des règles juridiques encadrant le processus électoral suppose l'engagement de toutes ses institutions à mettre en œuvre toutes ses normes. A ce sujet, du moment que l’Instance a elle-même interprété dans l’article 24 de sa décision numéro 18 du 4 août 2014, l’article 47 de la loi électorale relatif aux voies de communication du tribunal administratif de ses décisions à l’Instance en prévoyant que le Tribunal peut communiquer l’intégralité du texte de la décision « ou » son dispositif. Et étant donné que le Tribunal administratif a déclaré dans son communiqué du 2 septembre 2024 qu’il a effectivement communiqué aux parties au litige le dispositif des dites décisions immédiatement après leur rendu, il n’y a plus lieu de refuser leur application sous prétexte que l’intégralité des décisions ne leur ont pas été communiquées.
Au vu de ce qui précède, l’Association Tunisienne de Droit Constitutionnel tient à mettre en garde contre les dérives possibles suivantes :
- Ébranler la confiance légitime des citoyens et citoyennes dans le processus électoral, sa crédibilité, son intégrité et sa sécurité ;
- Affecter la stabilité politique en raison des recours qui pourraient être fait contre les résultats des élections ;
- Porter atteinte aux principes de la République et de la démocratie, dont l'État de droit représente la meilleure garantie ;
- Fragilisation des institutions de l’État, particulièrement les institutions juridictionnelles, dont l'article 55 de la Constitution de 2022 a fait le protecteur des droits et des libertés de toute violation.
L'Association tunisienne du droit constitutionnel appelle tous les acteurs du processus électoral à se conformer aux exigences de l’état de droit en respectant l’intégralité du corpus juridique, dans un esprit de responsabilité et de sagesse et à placer avant tout l'intérêt supérieur de l'État au-dessus de toute considération.
Pour le bureau de l’association,
La présidente
Salsabil KLIBI