Israël, la nouvelle frontière du terrorisme

Le terrorisme comme arme de guerre. Il n’y a pas d’autre terme pour définir les attaques de grande ampleur menées par Israël mardi et mercredi contre la population libanaise et le Hezbollah, si ce n’est celui du terrorisme de masse.

On pourrait dire que l’attaque n’a pas fait d’innombrables victimes, comme l’attaque du Crocus ou des tours jumelles. Là n’est pas la question. Il s’agit d’instiller la terreur parmi la population, d’émietter tout sentiment de sécurité, en transformant un objet ordinaire du quotidien en une arme qui peut exploser sous l’impulsion d’une commande à distance. Une arme qui tue, blesse, aveugle et mutile sans discernement. Une arme qui peut être activée lorsqu’elle est dans les mains d’un enfant.

Cela a au moins trois conséquences :

1. Faire plier la population libanaise ;

2. Casser les systèmes de communication des forces combattantes ;

3. Obtenir un avantage militaire temporaire, à la veille d’une attaque (qui n’est pas exclue d’être à grande échelle).

Il y a aussi une quatrième conséquence : envoyer un avertissement aux acteurs hostiles à Israël, et pas seulement dans la région. Hier, c’était le tour du Liban, demain cela pourrait arriver n’importe où ailleurs.

L’explosif qui échappe aux scanners

Mardi après-midi, des milliers de téléavertisseurs ont explosé simultanément, après avoir reçu une sonnerie, à Beyrouth et dans d'autres endroits du Liban. L'attentat a fait 12 morts, dont trois enfants, et plus de 2 800 blessés. Parmi eux se trouvait l'ambassadeur iranien Motjaba Amani. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, basé au Royaume-Uni, des explosions ont également eu lieu en Syrie, faisant 14 blessés.

La détonation a impliqué 3000 pagers d’un lot de 5000, achetés par le Hezbollah auprès d’un fournisseur taïwanais. Après les attentats perpétrés grâce à la détection des smartphones, la décision d’utiliser des appareils considérés comme plus sûrs a été prise par Nasrallah lui-même, le chef des milices chiites au Liban.

Les téléavertisseurs ont été trafiqués par les services israéliens, qui ont réussi à intercepter le lot. La sécurité libanaise pense que, pendant le processus de production, une mini-charge, pesant jusqu’à vingt grammes, a été introduite à l’intérieur des circuits intégrés.

Comment est-il possible que des appareils trafiqués aient été remis à des membres du Hezbollah ?

Al Mayadeen rapporte que ces matières explosives « n’ont pas été détectées lors d’un examen effectué avec des appareils conventionnels », de sorte qu'« il n’a pas été possible pour les instruments de détection disponibles ou même pour les pays et aéroports internationaux de détecter les matériaux explosifs plantés en utilisant des techniques qui combinaient des algorithmes spécifiques à ce processus ».

C’est une technologie qui échappe aux contrôles normaux. Même ceux des aéroports.

Le lendemain, mercredi, une autre attaque de grande ampleur a frappé sans discernement une population déjà choquée. Cette fois-ci, ce ne sont pas des téléavertisseurs qui ont explosé, mais des appareils équipés de batteries au lithium, tels que des talkies-walkies, des radios et même des panneaux solaires. Des images de cyclomoteurs, de voitures et de maisons en feu sont apparues sur Internet. Le bilan est de plus de 20 morts et 450 blessés. Gallant a annoncé une nouvelle phase du conflit et Netanyahu le retour imminent des réfugiés du nord dans leurs foyers.

La fausse société de Budapest

Le cerveau de l’attaque, selon les services libanais, serait le renseignement militaire israélien (AMAN) et les services de renseignement extérieur du Mossad, qui auraient opéré par le biais d’un réseau de sociétés écrans.

Le patron de Gold Apollo, le fabricant des téléavertisseurs, a immédiatement pris ses distances, déclarant que le lot avait été confié à une société hongroise, BAC Consulting, basée à Budapest.

Comme le souligne le professeur Francesco Dall’Agrio, de simples recherches suffisent à vérifier qu’il s’agit d’une société fictive : le registre national des entreprises nous apprend qu’elle a été fondée en 2022, qu’elle n’a qu’un seul employé et qu’elle dispose d’un capital social compris entre 2 500 et 7 600 euros.

Le New York Times confirme que les services de renseignement israéliens sont passés par un réseau de sociétés écrans (trois en tout) pour dissimuler la véritable identité des téléavertisseurs, c’est-à-dire des agents de renseignement israéliens.

BAC Consulting traitait également avec d’autres clients, à qui elle fournissait des appareils non modifiés. Par ailleurs, elle a produit des téléavertisseurs pour le Hezbollah, qui contenaient des batteries remplies d’explosif PETN.

C’était une opération à long terme. Les expéditions vers le Liban ont commencé en 2022 et se sont intensifiées au cours de l’été. Mardi, Israël a décidé que le moment était venu de les activer.

CNN révèle que le gouvernement américain a été averti à trois reprises mardi d’une opération imminente au Liban, sans entrer dans les détails, y compris lors d’un appel téléphonique entre le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant et le chef du Pentagone Lloyd Austin.

Craintes d’une guerre à grande échelle

Alors que le nombre de morts des attaques israéliennes ne cesse d’augmenter, l’escalade au Liban semble inévitable et imminente.

Depuis l’attaque d’hier, Israël a acquis un avantage militaire temporaire sur ses adversaires. Elle a affaibli les systèmes de communication des milices, abaissé le moral des combattants (en plus d’en blesser plusieurs centaines), semé la terreur parmi la population, révélé une grave vulnérabilité dans la sécurité du Hezbollah : ce sont les étapes qui précèdent une offensive de grande ampleur.

Les déclarations de Netanyahou et de Gallant laissent peu de doute sur le fait que l’avantage sera exploité pour intensifier le front nord.

Israël a deux options : soit lancer une opération limitée, à l’occasion du 7 octobre, soit se concentrer sur une guerre majeure au Moyen-Orient, pour entraîner les États-Unis dans la confrontation décisive contre l’Iran et le Hezbollah.

C’est probablement un scénario que l’Axe de la Résistance tente d’éviter, se réservant le temps et la manière de répondre à l’assassinat du chef du Hamas Ismail Haniyeh à Téhéran.

Une nouvelle ressource pour le terrorisme

On prétend souvent que la guerre en Ukraine a radicalement changé l’approche des opérations militaires. L’attaque menée ces derniers jours pourrait profondément changer non seulement les stratégies de guerre, le travail du renseignement, mais aussi nos modes de vie.

Israël a montré au monde qu’il existe une nouvelle technologie qui peut transformer des objets ordinaires, même utilisés par des enfants, en armes de destruction aveugle, parce qu’elles peuvent frapper n’importe qui à proximité, tuer, blesser, aveugler et mutiler. Il s’agit d’une technologie invisible, qui a échappé aux scanners des aéroports, aux contrôles de police et militaires.

Hier, cela était utilisé pour tuer les Libanais, demain des engins trafiqués peuvent être introduits dans des avions ou des stations, pour exploser simultanément. Il ne sera pas difficile pour les groupes terroristes de répéter des attaques similaires, maintenant que la boîte de Pandore a été ouverte.

Le stratagème utilisé par les services de renseignement israéliens ouvre un sombre scénario : il ne s’agit pas seulement d’un avertissement contre les acteurs hostiles à Israël, mais d’une nouvelle menace pour l’humanité tout entière.

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