Voter ou ne pas voter ? A trois jours du scrutin, les mots d'ordre sont contradictoires qui émanent de figures politiques ou d'organisations incarnant l'opposition au pouvoir actuel et à son action mortifère sur le processus démocratique.
Essayons de résumer les arguments des uns et des autres, au risque de ne pas être exhaustif. Commençons par les partisans de l'abstention : voter, c'est accorder une crédibilité à une parodie d'élection, c'est apposer un blanc-seing à une opération qui a accumulé contre elle les atteintes les plus flagrantes aux normes en vigueur en matière d'honnêteté et d'égalité des chances entre les candidats. Au point que la question n'est pas de savoir à quelles entorses on a assisté, mais s'il y a des entorses auxquelles le pouvoir en place n'a pas eu recours.
L'aplomb des responsables et leur mauvaise foi érigée en compétence ne changent rien à ce tableau catastrophique, au contraire…
Faut-il, par conséquent, donner à ce pouvoir la satisfaction imméritée de voir la participation atteindre des taux qui dépassent ceux qu'on a connus à l'occasion des dernières consultations, à savoir des taux avoisinant les 10% ?
Non, répondent-ils. Le président sortant peut bien être réélu après toutes les tricheries dont il se sera rendu coupable, il n'aura à la base de sa réélection, en guise de légitimité politique, que ce qu'offre une poignée de fidèles plus ou moins fanatisés. L'édifice, trop fragile, finira par tomber de lui-même...
Que répondent à cela les partisans du vote, maintenant ? Leur réponse tient en deux points. Le premier consiste à dire, selon le dicton, que : "Qui ne dit mot consent" ! Autrement dit, que la non- participation peut passer pour un accord tacite accordé au pouvoir afin qu'il poursuive sur son chemin. De fait, l'abstention peut être interprétée comme un boycott, comme l'expression d'un refus et d'un désaveu, mais elle peut aussi être interprétée comme l'avis silencieux en faveur d'une "tacite reconduction". Or il s'agit d'empêcher la possibilité de cette seconde interprétation.
Le second point, lui, insiste sur la nécessité de créer une dynamique du refus. Autrement dit, la mobilisation autour du vote, il est admis qu'elle a peu de chance de déboucher sur un changement à la tête du pouvoir, quels que soient les chiffres. Car on n'est pas à une entorse près, et il n'y a pas vraiment de raisons de penser que le pouvoir, parvenu à ce stade critique, sera tout d'un coup pris de scrupules. En revanche, cette mobilisation donnerait la mesure de son importance en tant que front du refus. Et ce refus ne serait plus seulement refus de la politique menée depuis cinq ans : il serait aussi refus du vol des voix.
Du reste, il existe déjà un noyau de ce "front du refus" à travers tous les citoyens qui ont courageusement accordé leur soutien à tel ou tel candidat mais qui ont vu ce même candidat écarté de manière déloyale et souvent malmené de manière injuste et indigne. C'est, autrement dit, ce même sentiment de dépit qui est appelé à connaître un phénomène de démultiplication à travers le scrutin de dimanche prochain.
Bref, seule une forte participation est à même de donner naissance à un puissant mouvement populaire de contestation. Le pouvoir en place ne pourra, par la manipulation des bulletins, prétendre longtemps que cette participation lui a été favorable. Il ne pourra détourner à son profit le message de condamnation que contiennent les urnes : car ce détournement est précisément ce qui va ajouter de la colère à la colère…
On voit que cette seconde option n'a rien de naïf, comme certains ont pu le prétendre. Mais on doit reconnaître en même temps qu'elle repose sur un scénario de mobilisation populaire qui, s'il ne se réalisait pas, redonnerait après coup - mais sans doute un peu tard - toute sa pertinence à l'option de l'abstention…