Police de la pensée et terrorisme intellectuel…

"Je ne suis pas sûr qu'on défende la civilisation en semant la barbarie" : voici la phrase prononcée par Emmanuel Macron et qui a provoqué contre lui une salve de critiques de la part de cette intelligentsia française qui est acquise à la cause d'Israël. Macron répondait pourtant à Benyamin Netanyahou qui, la veille, dans une interview sur une chaîne française, avait déclaré au sujet de ses propres entreprises guerrières : "C'est avant tout une guerre de civilisation contre la barbarie"…

Ce modeste bémol à la rhétorique d'un homme qui compte à son actif des dizaines et des dizaines de milliers de morts innocentes ne lui aura donc pas été pardonné : quoi, parler de barbarie à propos d'Israël ?!! Et se taire sur la barbarie du Hamas et du Hezbollah ? On ne compte pas les déclarations et les tribunes qui se sont donné pour tâche de lui administrer une bonne correction pour son écart de langage.

On ne peut pas dire, pourtant, que Macron se soit montré particulièrement mordant dans ses critiques contre la politique israélienne depuis que celle-ci, au nom de son droit de se défendre, a entrepris de mener une action qui, si elle ne tombe pas sous la définition rigoureuse du génocide, y ressemble fort. Au contraire, tout le monde a pu noter le soin qu'il a eu de ne pas déplaire à Israël et de toujours assortir ses prudentes critiques de diverses considérations de nature à lui ménager les faveurs des amis d'Israël : cette autorité de la pensée dont tout le monde en France redoute les condamnations comme la peste…

Il existe un terrorisme intellectuel qui entend faire respecter certains dogmes et dont le président de la République ne doit pas se considérer à l'abri : tel est l'enseignement de cet épisode qui, en réalité, n'a pas plus d'importance que cela, car il n'y a là rien de très nouveau.

De fait, la France subit cette forme particulière de terrorisme depuis de longues décennies. Il s'agit de quelque chose qui nourrit l'antisémitisme bien plus qu'il ne le combat. Beaucoup de Français qui ne se résignent pas à subir cette nouvelle police de la pensée et qui ne se sentent pas non plus de sympathie particulière pour la figure du Juif développent une forme secrète, clandestine pour ainsi dire, d'antisémitisme. D'autres se font cette réflexion que la crainte du Juif et de son influence sur la société française et sur sa culture n'était peut-être pas exagérée de la part de certains intellectuels du début du 20e siècle qui ont pourtant été mis au pilori…

Dans ce silence contraint, bien des choses se murmurent qui ne vont pas dans le sens d'un avenir serein pour le Juif. C'est tout le paradoxe, ou tout simplement la rançon, de cette politique qui, pour défendre le Juif dans le monde, tient à défendre aussi Israël et ses agissements, comme si les deux choses étaient indissociables.

Or il existe, et il ne peut pas ne pas exister, de plus en plus de gens avisés qui s'inquiètent de cette évolution. Il s'agit d'intellectuels qui supportent mal la tutelle et ses prétentions à dominer les pensées. Mais il s'agit aussi de Juifs qui ne se reconnaissent pas dans cette vaste entreprise - guerrière là-bas, policière ici - et qui se sentent injustement et inutilement exposés.

Ils voient que ce tapage autour de l'antisémitisme produit des effets inverses et, par ailleurs, que la politique menée par Israël au nom de sa défense est loin de créer les conditions d'une existence plus sûre dans le monde pour le Juif. Car, quoi qu'on en dise, Macron n'a pas tout à fait tort de parler de "barbarie". C'est même, à moins de faire preuve d'une bonne dose de mauvaise foi, une évidence criante…

Certains de ces Juifs sont carrément dans une posture d'insurrection : insurrection contre Israël et contre les "amis d'Israël". Mais beaucoup d'autres sont plus résignés : ils voient que les choses prennent une mauvaise tournure et que ça ne vient pas cette fois du non-Juif mais du Juif lui-même, de son frère qui parle en son nom et qui prétend élever la voix pour lui mais qui le fait dans l'excès et en dépit du bon sens…

Il sait qu'il encourt le danger d'être considéré comme un traître par les inconditionnels d'Israël, mais il a compris depuis un moment que la peur de cette menace ne fait que rendre la situation plus inquiétante. Et peut-être aussi que les menaces ne sont pas faites pour qu'on y cède…

Bref, il existe en France toute une frange de la population qui vit mal la chape de plomb que fait peser sur les consciences la pieuvre des "amis d'Israël" et qui attend le moment de s'en affranchir. Certains Juifs en font partie. Il est dans l'intérêt de ce pays qu'est la France que ce moment vienne bientôt. Il y va de sa santé.

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