Israël profite de l'élection américaine pour avoir les coudées franches contre Gaza et le Liban

Le vote de la Knesset cette semaine en faveur de l’interdiction de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies (UNWRA), le principal groupe d’aide humanitaire dans les territoires palestiniens, est la dernière énormité israélienne dans sa guerre d’un an à Gaza./p>

Cette décision, qui aura un impact sur deux millions de civils assiégés à Gaza, souligne un point central : l’attente du gouvernement israélien que l’administration Biden acquiesce à tout ce que Tel-Aviv veut faire dans cette guerre – même des tactiques de famine – et maintenant aussi au Liban.

Le département d’État a déclaré que si la Knesset ne revenait pas sur son vote, il « pourrait y avoir des conséquences en vertu de la loi américaine ». Mais à en juger par le comportement des États-Unis, les conséquences se limiteront à des mots, et non à des limites au soutien militaire ou politique américain.

L'interdiction de l'UNWRA, encouragée par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et les membres les plus extrémistes de son cabinet, n'a pas été décidée par hasard. Il sait qu'il a "carte blanche" pour tout ce qu'il veut faire, au moins jusqu'aux élections de mardi. Mais il ne peut pas être sûr qu'après cela, pendant son mandat boiteux, le président Joe Biden ne trouvera pas le courage nécessaire pour dire à Israël que "trop c'est trop". Compte tenu du soutien apporté par Joe Biden au comportement d'Israël tout au long de sa carrière, il est très peu probable que cela se produise, mais M. Netanyahu ne prend aucun risque.

Dans le même temps, l’administration Biden examine les chiffres des sondages concernant les élections dans les États pivots, notamment le Michigan et le Wisconsin. Ces États abritent d’importantes circonscriptions musulmanes américaines. Lors de la primaire présidentielle démocrate de février dernier dans le Michigan, en raison du soutien indéfectible du président Biden à Israël à Gaza, plusieurs dizaines de milliers de ces électeurs sont soit restés chez eux, soit ont voté « sans engagement » contre lui. Il est impossible de savoir si ce comportement électoral se répétera le 5 novembre, et s’il pourrait faire basculer le vote dans un ou deux États pivots, privant ainsi Kamala Harris de la présidence. Des sondages récents suggèrent que Trump gagne le soutien des électeurs arabo-américains dans les jours précédant les élections.

Dans le même temps, le parti démocrate, et probablement aussi ses électeurs, sont divisés sur le cas d’Israël. Encore une fois, il est impossible de savoir comment les chiffres s’additionnent.

L'administration Biden-Harris s'efforce manifestement d'éviter que cette question ne compromette ses chances de conserver la Maison Blanche. Le secrétaire d'État Antony Blinken vient d'achever sa 11e visite dans la région depuis le 7 octobre. Au cours de son séjour, il s'est notamment efforcé de relancer les négociations en vue d'au moins interrompre les opérations militaires à Gaza et d'obtenir la libération d'une partie des otages détenus par le Hamas. À première vue, il s'agit d'une démarche insensée, probablement destinée à rassurer les électeurs - en particulier ceux du Michigan et du Wisconsin, dont le vote pourrait être influencé par l'évolution de la situation au Levant - en leur montrant que M. Biden s'efforce toujours de mettre fin à la guerre.

Pendant ce temps, l’envoyé américain Amos Hochstein et le directeur de la CIA Bill Burns étaient en Israël et en Égypte, respectivement, jeudi pour promouvoir les derniers efforts de cessez-le-feu à Gaza et au Liban. Ceux-ci aussi avaient peu d’espoir de succès.

Un autre événement probablement programmé en fonction de nos élections a été la décision de Netanyahu d’attaquer l’Iran la semaine dernière pour ses frappes de missiles sur Israël. En effet, Biden lui avait publiquement donné son feu vert.

Mais contrairement à Gaza et maintenant au Liban, l’administration Biden avait quelque chose de plus viscéral à craindre. Premièrement, Israël aurait pu attaquer les installations nucléaires de l’Iran et ainsi garantir virtuellement qu’à un moment donné, Téhéran trouverait un moyen d’obtenir la bombe. Deuxièmement, plus important encore, Israël aurait pu attaquer les champs pétrolifères iraniens, ce qui aurait conduit l’Iran à réagir spasmodiquement en fermant le détroit vital d’Ormuz aux exportations de pétrole et de gaz de tous les États de la région.

Le résultat aurait eu un impact majeur, peut-être catastrophique, sur le commerce mondial du pétrole. Même le risque que l’Iran prenne cette mesure aurait provoqué la panique sur les marchés pétroliers une semaine environ avant que les Américains ne se rendent aux urnes.

Israël a accepté les exigences américaines de limiter les cibles en Iran aux sites militaires – il s’est laissé dissuader par le fait de comprendre que même une administration Biden par ailleurs complaisante ne pouvait pas tolérer une action aussi audacieuse. Bien sûr, la prudence israélienne correspondait également à son propre intérêt à ne pas se mettre en désaccord avec les autres pays producteurs de produits pétrochimiques de la région, y compris tous ceux qui ont conclu des accords abrahamiques avec Israël.

Cependant, de telles limites aux attaques n’ont pas conduit Israël à cesser d’attaquer Gaza et le Liban, avec d’importantes victimes civiles.

Le 13 octobre, les États-Unis ont averti Israël que l’absence d’augmentation du flux d’aide à Gaza « pourrait avoir des implications pour la politique américaine en vertu du NSM-20 [relative aux livraisons d’armes américaines dans les situations de conflit] et la loi américaine pertinente ». Mais le délai théorique n’expire que le 12 novembre, et il n’est pas certain que l’avertissement voilé sur les coupes dans le soutien militaire soit suffisant pour forcer Netanyahu à autoriser l’aide humanitaire.

Si Israël accède à la demande d'aide des États-Unis, Washington continuera presque certainement à soutenir sans limite les actions militaires d'Israël, sauf contre l'Iran. La réputation des États-Unis en matière d'exercice intelligent du pouvoir et d'engagement en faveur des principes humanitaires continuerait donc à en prendre un coup.

Le président Biden, en consultation avec le nouveau président élu, doit enfin utiliser les leviers de puissance de l’Amérique pour agir et pas seulement parler pour promouvoir la fin des combats qui, entre autres, sont la seule voie vers le retour des otages et, à l’avenir, vers l’instauration de la stabilité et de la paix dans la région. Au fond, le leadership américain doit être restauré.

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