Trump part du mauvais pied : les pourparlers avec Poutine ont-ils des chances d’échouer avant même d’avoir commencé ?

La fenêtre d'opportunité pour les négociations que Moscou avait ouverte se rétrécit. Les menaces du président Trump d'amener la Fédération de Russie à la table des négociations sous la contrainte, si les "bonnes" ne suffisent pas, apparaissent comme une gifle retentissante à Vladimir Poutine et à sa volonté manifeste de discuter sur une base égalitaire.

Le nouvel occupant de la Maison Blanche montre qu’il veut traiter avec son homologue russe en position de force. Il a l’intention d’utiliser le levier de la guerre commerciale et des sanctions, si Poutine ne cède pas à un cessez-le-feu rapide en Ukraine.

« Si nous ne parvenons pas à un accord, et rapidement, je n’ai pas d’autre choix que d’imposer des niveaux élevés de taxes, de tarifs et de sanctions sur tout ce qui est vendu par la Russie aux États-Unis et à divers autres pays participants », a-t-il écrit hier dans un post de Truth.

Le Kremlin répond par la pointe du fleuret aux coups de sabre de Trump :

« La Russie est prête à un dialogue d’égal à égal avec les Etats-Unis, Moscou attend des signaux de Washington qui ne sont toutefois pas encore arrivés », commente le porte-parole Dmitri Peskov de manière énigmatique.

En bref, les dirigeants russes restent ouverts à la confrontation, observant attentivement leur interlocuteur, mais jusqu’à présent, seules les discussions sont venues de l’étranger. Aucune mesure concrète n’a été prise pour préparer une rencontre entre les deux présidents.

L’accent est mis sur le terme « égal », qui renouvelle les exigences de Poutine faites à Trump lundi, peu avant sa prestation de serment en tant que 47e président des États-Unis d’Amérique. Dans la vidéo, le félicitant pour sa nouvelle position, le chef de l’État russe a officialisé sa volonté de relancer un dialogue entre les États-Unis et la Fédération de Russie sur la base de relations d’égalité et de coopération, notamment pour les questions stratégiques et la stabilité mondiale. Il a également déclaré que Moscou n’accepterait pas un cessez-le-feu temporaire, mais une paix durable basée sur une architecture de sécurité qui ne nuise pas aux intérêts de la Russie et du peuple russe. Sinon, elle continuera à se battre pour atteindre ses objectifs stratégiques sur le plan militaire.

Le post publié hier sur Truth apparaît donc comme une réponse négative aux demandes de Poutine. Il n’y aura pas de relation d’égal à égal, les États-Unis restent la puissance hégémonique. De gré ou de force, la Russie devra l’accepter.

De plus, Trump ignore la demande de Moscou d’une redéfinition des questions stratégiques et de sécurité. La question humanitaire l’emporte : la fin des tueries. Un cessez-le-feu pourrait suffire.

Bref, sa stratégie est celle d’un retour à Minsk 2.0 que les pays de l’OTAN devront gérer avec une augmentation des dépenses de défense à 5% du PIB. Derrière l’écran humanitaire, il va sans dire, se cache (pas trop) l’idéologie de l’Amérique d’abord.

Après tout, si Trump veut restaurer la « primauté américaine » sur l’ordre mondial, comment peut-il accepter de se mettre au même niveau que Poutine ?

Dans cet esprit, les relations futures entre la Maison Blanche et le Kremlin n’augurent rien de bon.

Une réaction plus explicite vient du chef des services secrets russes, Sergueï Narychkine, dans une interview accordée à RIA, Novosti rappelle à Washington que l’ère du monde unipolaire dirigé par les États-Unis est révolue.

Les États-Unis sont en train de « perdre le contrôle », a-t-il dit, « et en même temps, de nouveaux acteurs puissants et autoritaires sont apparus dans le monde qui ont déjà un grand potentiel : potentiel de développement, potentiel et capacité à assurer la sécurité et la stabilité mondiales ».

D’autre part, l’avertissement de Trump doit être interprété comme un geste stratégique avant les pourparlers, visant à faire monter les enchères aux yeux des citoyens américains et des partenaires de Washington. Selon le Washington Post, l’opinion de certains républicains est que, malgré le discours dur, si les dirigeants se rencontrent, Trump pourrait même « capituler ». Poutine obtiendrait ce qu’il veut, mais le président américain prouvera qu’il a mis fin à la guerre, a déclaré un républicain sous couvert d’anonymat.

La Russie a depuis longtemps fait connaître ses conditions pour arrêter la guerre :

• La neutralité de l’Ukraine, avec de fortes garanties de non-adhésion à l’OTAN ;

• Reconnaissance des territoires annexés ou conquis ;

• La dénazification, c’est-à-dire le remplacement de Zelensky et de son équipe, ainsi que le démantèlement des organisations néonazies ;

• La démilitarisation de l’Ukraine, c’est-à-dire son affaiblissement militaire pour ne pas menacer la Fédération de Russie.

S’il est peu probable que Donald Trump remette en question les actifs mondiaux, il pourrait accepter ces conditions de la part de Moscou. De plus, sa politique de réduction du rôle des États-Unis dans l’OTAN et de désengagement en Ukraine pourrait converger, tout bien considéré, avec les intérêts du Kremlin.

Par exemple, la réduction de la présence du contingent américain en Europe de 20 % (environ 20 000 hommes de moins), annoncée hier par Ansa, est une mauvaise nouvelle pour l’UE, mais une bonne nouvelle pour la Russie. Cependant, Poutine se contentera-t-il d’une victoire locale, laissant ouvert le jeu stratégique des nouveaux équilibres géopolitiques mondiaux et de l’architecture de sécurité en Europe, c’est-à-dire des raisons qui ont provoqué la guerre ?

Tenir sa promesse de mettre fin aux combats s’avère être une tâche plus compliquée que prévu pour Trump, qui pendant la campagne électorale avait promis de résoudre le problème en 24 heures, par un simple coup de fil. Le premier jour de son entrée en fonction, cependant, il a risqué de compromettre définitivement la possibilité de négociations avec Moscou. Un pari qui n’augure rien de bon.

Après le bain de réalité, le nouveau président a confié à son envoyé spécial en Ukraine et en Russie, l’ancien général à la retraite Keith Kellogg, la mission de trouver une solution en 100 jours. En cas d’échec, le risque d’une escalade directe entre la Russie et les États-Unis est à portée de main.

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