En dehors de la conjoncture: Recherche économique : un ver dans le fruit statistique:

En Tunisie, il est surprenant de constater combien d’articles scientifiques publiés s’appuient sur des données économiques dont la fiabilité est pourtant très discutable. Qu’il s’agisse des dépenses publiques ou du taux de change, ces chiffres — souvent utilisés sans vérification rigoureuse — servent de fondement à des modèles économétriques complexes, notamment des modèles itératifs contraints par des exigences de convergence, censés éclairer les décisions de politique économique.

Mais en réalité, beaucoup de ces applications ne tiennent pas la route. Même après avoir été « nettoyées » à l’aide de méthodes statistiques avancées, les séries utilisées ne satisfont pas aux critères de base, comme la stationnarité — une condition essentielle pour éviter les conclusions erronées.

Ce constat s’est imposé à moi ces derniers jours, alors que je menais un exercice empirique sur la macroéconomie tunisienne. Quatre problèmes majeurs se dégagent :

(1) Sur le plan technique, de nombreuses études supposent que les données sont stables dans le temps, sans le démontrer rigoureusement. Résultat : les conclusions sont souvent fragiles, voire trompeuses.

(2) Sur le plan économique, des recommandations politiques sont fréquemment fondées sur de simples corrélations, sans établir de lien de causalité. Peut-on sérieusement construire une stratégie économique sur des bases aussi incertaines ?

(3) Sur le plan éthique, cette légèreté méthodologique soulève de vraies questions. Publier des résultats non vérifiables — car les éditeurs ne demandent pas à reproduire les modèles à la lettre — fragilise la crédibilité de la recherche économique.

(4) Et sur le plan politique, certaines variables de sources officielles datant depuis 1980, y compris parmi les plus utilisées, ne sont pas stationnaires même à la deuxième différence ! Il n’est donc pas exclu que certaines données aient été manipulées manuellement au fil des années, ce qui fausse encore davantage les analyses.

Face à ce constat inquiétant, une remise en question profonde de nos méthodes de recherche s’impose. Ceci est pour que l’économie appliquée retrouve sa vocation première ; devenir un outil rigoureux, transparent et utile au service du développement du pays.

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