Le prisme et l’horizon / Sale temps pour les putschistes au Burkina

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Les historiens nous diront peut-être un jour quel a été le rôle précis des nouvelles techniques de communication dans la lame de fond qui entraîne les unes après les autres les dictatures, que ce soit sur le continent africain ou ailleurs. Sans aucun doute, il y a d’autres facteurs, parmi lesquels le fait que des puissances mondiales tentent de favoriser cette tendance générale pour élargir leur zone d’influence.

Mais on doutera que ce facteur-là soit de la même importance que le premier… Les derniers événements au Burkina Faso sont en tout cas une pièce qui pourra être mise au dossier de ces historiens dans leurs analyses. Car cette lame de fond ne concerne pas que la chute des dictatures, elle concerne aussi le caractère particulièrement aléatoire et improbable de toute tentative visant à rétablir l’ordre ancien.

Ce qui est frappant dans le putsch survenu le 17 septembre dernier dans ce pays africain, c’est que les militaires qui ont pris le pouvoir ont rapidement adopté un profil relativement conciliant. Un profil qui tranche nettement avec celui des putschistes des époques révolues, qui se montraient beaucoup plus intraitables et arrogants avec les diplomates qui leur faisaient part éventuellement de leur désapprobation.

Il est vrai que, dans le cas d’espèce, le message venu de l’extérieur était fort et sans ambiguïté : une suspension immédiate de l’Union africaine. Dans les chancelleries des pays du reste du monde, un seul ton, diversement accentué : celui du blâme. Ce type de pression internationale est certes un élément nouveau, mais ce qui l’est encore plus, c’est que plus personne ne s’aventure même à oser un bémol dans la désapprobation.

On sait pourtant qu’il existe bien des pays qui ne sont pas si réjouis de voir s’effondrer les dictatures. Soit parce qu’ils craignent pour le modèle de gouvernement qu’ils représentent et que la généralisation du principe démocratique dans le monde les isole progressivement, soit parce que cette tendance se traduit pour eux par un risque aggravé de perte d’influence sur le plan géopolitique… Soit les deux, ce qui est sans doute le plus fréquent.

Mais ces gouvernements sentent qu’ils ne peuvent plus se permettre de désavouer un processus qui obéit à une aspiration populaire, sous peine de passer aux yeux de leurs propres peuples pour des adeptes de l’oppression. Autrement dit, il existe une alliance potentielle entre le peuple qui se libère de la dictature et les peuples en général… Et ceux qui continuent de vivre sous le joug de régimes autoritaires en particulier. Ce qui oblige ces derniers à faire preuve de prudence, de manière à ne pas « activer » cette alliance en état de sommeil. Car cette alliance est « activable », précisément en raison des nouvelles techniques de communication. Et si elle activée, c’est un front intérieur qui vient à s’ouvrir pour eux… Voilà pourquoi les régimes autoritaires se gardent de produire une fausse note dans le concert des désapprobations qui accueillent les putschs militaires.

Il est significatif, par ailleurs, de noter que, parmi les actions prioritaires du putschiste, le général Diendéré, à côté de la séquestration du gouvernement de transition, figure l’attaque… du studio d’un rappeur burkinabé, Smockey de son nom ! Le nouveau nerf de la guerre. Les militaires, dès le lendemain de la prise de pouvoir, ont lancé des roquettes contre cette arrière-boutique de la contestation citoyenne, dont l’importance stratégique ne se conçoit que dans le cadre de la nouvelle configuration des techniques de communication.

Dès le lendemain du putsch a été enclenché un processus de négociation grâce à la médiation des présidents sénégalais et béninois. Il ressort des négociations que les militaires n’ont pas l’intention de garder le pouvoir mais, disent-ils, de « corriger » le processus démocratique dans la perspective des élections initialement prévues le mois prochain. Leur revendication est que soit supprimée la mesure d’interdiction qui frappe les représentants de l’ancien régime de Blaise Compaoré, l’ancien homme fort qui avait accédé au pouvoir en octobre 1987 à la faveur d’un coup d’Etat militaire. On appréciera bien sûr la sincérité de ce souci concernant le bon déroulement du processus démocratique : un souci qui s’exprime dans le sang versé du peuple burkinabé.

Mais on notera surtout l’obligation pour les putschistes de ces contorsions rhétoriques alors qu’ils se contentaient autrefois d’invoquer le rétablissement de l’ordre dans le pays… Quelque chose ne fonctionne plus au pays des dictatures : c’est le crépuscule !

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