Le 17 décembre ne figure ni dans leur histoire, ni dans leur littérature, ni dans leur imaginaire. Il a été déstructuré, décontextualisé et vidé de sa substance et de son souffle révolutionnaire par les affidés de la dictature et toute l'opposition dite démocratique, et je n'exclus aucun parti, tous se sont inscrits dans une logique réformiste bourgeoise ou petite bourgeoise et ont œuvré à la banalisation du fait révolutionnaire, le rendant inopérant, au-delà de la rhétorique hypocrite. Le jugement de l'histoire sera sévère, au moment où il fallait une rupture, il y a eu continuité et prolongement. Tous ont failli et je n'exclus personne.
Inutile de palabrer et de se voiler la face, l’échec est patent, cuisant, irrémédiablement amer, certes, nous pouvons, le cas échéant, prendre nos vessies pour des lanternes, rabibocher notre pessimisme par des prêches totalement ingénus, naïfs et aux allures d’amulettes destinées plus à nous préserver d’un passé effrayant que de nous projeter vers un avenir radieux !
Sonnez fifrelins et puisque nous y sommes, sonnez le tocsin aussi !
Nous n’allons pas nous attarder sur les erreurs commises, elles sont nombreuses, honteuses et fastidieuses, nous n’allons pas accuser de mollesse et de lâcheté ceux qui ont pris le convoi en marche et espéraient, moyennant quelques étranges connivences, conserver un strapontin au risque de se soumettre au diktat des cerbères de l’ancien régime !
Des macchabés, qui ne récolteront ni gloire, ni honneur…des pitres, morts avant même d’affronter Goliath, morts de trouille, incapables d’imaginer et de concevoir une alternative parce que leurs prétentions étaient modestes ainsi que leurs ambitions !
Je suis écœuré si bien que l’envie de décrire ce qui fut et ce qui aurait dû être m’exaspère, autant refouler sa colère, son impuissance et parler du bonheur de voir une jeunesse indomptable s’opposer à l’arbitraire, aux abus d’un régime policier vindicatif, arrogant et cruellement, définitivement vil.
Elle, c’est Afraa, comme tant d’autres Afraa, elle a vécu très jeune l’aube de la révolution, elle s’en est imprégnée au point de la confondre avec ses horizons lointains où l’idéalisme n’est pas utopie !
Or, elle a été grugée, comme la plupart des jeunes, dont certains, irréductiblement désespérés ont jeté leur dévolu sur Daech, le terrorisme, l’exil…les frustrations quand elles ne trouvent pas d’exutoire deviennent des cauchemars, un démon qui hante une jeunesse privée de tout, privée de l’essentiel, diabolisée par cette vieillesse sénile et anachronique qui, se cramponnant au pouvoir, a fini par engendrer plus que la haine, plus que de la répugnance plus que du mépris… des monstres !
Vos enfants vous maudiront, et ils auront raison…
Mais quelle race de lâches et d'hypocrites êtes-vous? Oui, vous tous, de l'extrême à l'extrême en passant par le centre…Une jeune élève, à peine dix sept ans, qui a cru en vos mensonges d'adultes conformistes, a été tabassée, puis arrêtée et placée en garde à vue, aujourd'hui au Kef , parce qu'elle a manifesté sa colère en voulant préserver un monument historique de sa ville natale….
Continuez à vous taire, à tolérer l'arbitraire et les abus en tous genres, continuez…
Afraa, un prénom prédestiné, épique, mythique, le prénom d’une jeune guerrière, d’une battante !
Pour cette génération de fossoyeurs…
Regardez bien cette photo, cette grâce, cette lumière, ce sourire si large et si franc suggérant la vie, l'espoir, la liberté, le désir irrépressible de rêver d'une autre Tunisie.
Vous, les zombis, vous voulez suffoquer la vie, l'espoir, la liberté…vous voulez tuer la jeunesse, vous voulez étouffer l'esprit et l'âme du 17 Décembre 2010…Vous n'y parviendrez jamais, jamais, du haut de ses 17 ans, elle vous nargue…les momies, disparaissez et laissez-la vivre.