L’Algérie nouvelle ne doit se construire ni pour, ni contre la France. Elle doit construire sa souveraineté dans la puissance, la réflexion sur l’intérêt de la nation, l’avenir de sa région.
Il nous faut penser à notre maghrébinité, penser d’abord à nos relations avec le Maroc à aider dans sa liberté future, et à la Tunisie à soutenir dans sa construction. J’ai lu, comme tant d’autres, les réactions d’algériens aux réactions de la France officielle à propos de notre seconde Révolution. Et j’en fus attristé.
Car, entre les fausses passions des uns, les confusions des autres, les théories de complot, les fantasmes de la « bataille d’Alger » imaginaire ou les campagnes téléphoniques comiques, signe du dérisoire comme pensée, c’est surtout une malheureuse réalité qui s’impose : nous ne sommes pas libres de la France si sa réaction nous importe aussi fort, au point de faire verser dans le délire ou la parade nationaliste.
Nous ne faisons que reconduire la dépendance du Régime par la dépendance de nos imaginaires. En quoi la réaction de l’Élysée est-elle si importante pour provoquer cette vague ? La France est un pays souverain qui peut choisir les mots qu’il veut. Et nous sommes un pays qui doit construire sa souveraineté sans verser dans le délire ou les fausses campagnes. La France pense à ses intérêts et c’est légitime. Et nous pensons aux nôtres.
Demander, exiger, hurler à l’obligation de reconnaissance ou pour dénoncer une méconnaissance, ne prouve qu’une chose : nous ne sommes pas encore tout à fait libres et capables de liberté. Notre pays ne peut pas se construire par cette dépendance, ni par un enfermement volontaire dans une exigence infantile de « justice » mondiale.
Le monde n’est pas fait ainsi et si nous volons y trouver une place de prestige, il faut penser comment construire, s’allier, réinventer le Maghreb au lieu de rêver de fausses soldes de la colonisation. Nous dénonçons un régime qui dépend de la France, selon des affirmations fausses ou vraies, et nous ne faisons qu’attendre de la France sa réaction, pour la commenter, hurler au scandale ou à la néo colonisation. Nous regardons encore vers le nord en tant que victimes, réelles ou imaginaires, et pas en tant qu’égaux à venir.
L’intérêt politique national exige que l’on se concentre sur ce Régime qui est la source de notre servilité et pas sur une image fantasmée de colonisation. La fierté retrouvée ne doit pas verser dans la vanité, mais dans le rêve d’égalité, de puissance ou de dépassement.
Bien sûr on va crier, on va accuser, l’auteur de ces lignes de vouloir servir la France, de trahir ou de se ranger du mauvais côté. La fabrication du traitre a fait ses dégâts en Algérie sur l’image des élites. On peut le faire et je me suis habitué à l’insulte de l’adversaire incapable d’argument ou de respect, et cela ne change rien : je n’ai jamais écrit sous la dictée des moments de compromissions ou pour plaire.
Mon exigence de souveraineté, le culte que j’ai d’un État fort par la lucidité et par un rêve de puissance régionale, sont une passion qui ne dépend ni d’une réaction de l’Élysée, ni d’une vanité recyclée en sentiment anti-Français ou d’une risible campagne téléphonique contre l’Élysée.
Il y a des millions d’algériens qui vivent en France : on a besoin d’eux, on a besoin d’eux là-bas, ils ont besoin de nous et on a besoin d’y trouver le lieu de nôtre universalité et la fenêtre ouverte sur notre possibilité d’être partout dans le monde ; pour la puissance et la réussite d’un pays à venir.
Pensons au Maghreb, à l’avenir, à l’intérêt de notre pays, au lieu de rejouer aux anciens Moudjahidines imaginaires. Recycler le sentiment anti-Français aujourd’hui nous éloigne de notre but et révèle, surtout, une intime dépendance.