À l'occasion de la journée mondiale de l'autisme, un état des lieux et quelques propositions visant à améliorer un tant soit peu les choses s'imposent.
L'année dernière, nous avons été le témoin d’un drame qui a contribué quelque peu à lever le voile sur la situation désastreuse dans laquelle se retrouvent enfants et parents des enfants présentant des troubles du spectre autistique (TSA) en Tunisie.
Beaucoup de nos compatriotes ont été choqués en découvrant des images difficiles montrant des enfants TSA violentés dans un centre privé supposé les accueillir pour répondre à leurs besoins spécifiques d'apprentissage et les aider à progresser dans divers domaines.
Il aura donc fallu cet événement tragique pour que la question de l'autisme soit enfin mise en avant, mais juste le temps, hélas, que l'indignation cède la place à l'oubli !
Car que s'est-il passé depuis ???
Eh bien pas grand chose !
Un centre public à capacité d'accueil très réduite a enfin vu le jour à Tunis et voilà tout !
Faut-il donc rappeler quelques chiffres !?
La Tunisie compte plus de 200 000 personnes présentant des troubles du spectre autistique et ce chiffre ne cesse de croître.
En France, selon la Haute Autorité de la Santé (HAS), la prévalence des troubles du spectre autistique se situe autour de 0,9 à 1,2 pour 100 individus. Aussi, sur la base d’un taux de 1%, ce sont chaque année environ 7 500 bébés qui naissent et seront atteints de TSA.
Sur la base de ce même taux, le nombre de personnes concernées est estimé à 700 000 personnes, soit environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes.
Selon de récentes estimations, environ 1% des populations britannique et américaine souffre de TSA.
D'une façon générale, il est difficile de comparer les études entre elles. En effet, certaines divergences dans les résultats sont liées, entre autres, à l'organisation de l'étude, à la taille de l'échantillon et à la rigueur avec laquelle les critères diagnostiques sont considérés. Ces derniers chiffres (60 à 70 pour 10.000, soit 0,6 à 0,7 %) semblent être pour le moment le compromis accepté.
Ce qu'il convient de noter, c'est que chaque jour, les chiffres concernant l’autisme s’affichent de plus en plus alarmants et que si d’une façon générale, la prise de conscience et la prise en charge de ce "fléau" ne sont pas à la hauteur des attentes, en Tunisie, la situation est carrément dramatique à tous les niveaux.
- Pour ce qui est du diagnostic :
Quand le diagnostic tombe, il est souvent un peu tardif sachant que plus la prise en charge intervient tôt, plus les chances d'une bonne évolution sont importantes.
Il conviendrait donc de prévoir un plan visant à dépister plus rapidement les retards de développement chez les enfants.
À titre d'exemple, le Québec a très récemment mis en place un site web de diagnostic et créé 800 embauches pour le dépistage précoce des enfants au Québec. En effet, 800 spécialistes et agents administratifs seront bientôt embauchés dans 31 établissements de santé. Voici là un exemple inspirant !
- Pour ce qui est de l’accompagnement et de la prise en charge des enfants atteints de TSA :
Afin d'être la plus efficiente possible, la prise en charge des retards de développement doit intervenir le plus tôt possible, et des procédures de prise en charge doivent donc surtout être établies.
En effet, les disciplines participant à la prise en charge doivent être identifiées (orthophonie, ergothérapie, éducation spécialisée, etc..) et les intervenants dans la prise en charge doivent, surtout, être tous formés ! Or force est de constater que c'est loin d'être le cas en ce qui concerne le personnel embauché dans les centres tout comme celui qui intervient en individuel et il n'existe pas de contrôle.
Aussi, la prise en charge excessivement coûteuse et très faiblement remboursée par la CNAM s'avère-t-elle souvent très peu adaptée.
Il en résulte que l'évolution ne se fait pas de la meilleure des façons sachant qu’une mauvaise prise en charge est surtout susceptible de provoquer des régressions.
Il est donc impératif que l'État prenne au sérieux le parcours de soins et d'accompagnement et exerce un contrôle sur la formation des multiples intervenants.
-Pour ce qui est du poids financier :
Hormis le centre public mis en place quelques mois après le drame évoqué ci-dessus, les centres sont privés et très coûteux. Les enfants TSA des familles nécessiteuses ne peuvent donc y accéder et se trouvent livrés à eux-mêmes, sans perspectives d'évolutions positives, et les répercutions sur les familles sont énormes à bien des niveaux.
Ce qui est terrible et qu'il convient de noter, c'est que même lorsqu’elles ont la possibilité et les moyens d’accéder aux centres et même aux séances de prises en charge en individuel, les familles se sentent trop souvent prises en otage par ce qui ressemble trop souvent plutôt à un commerce ou un business.
Il est donc indispensable de multiplier partout et encore plus dans les régions défavorisées des structures publiques visant à prendre en charge les enfants considérés "non scolarisables" tout en exerçant un contrôle sur la qualité de la prise en charge et les éventuels “dérapages" autant au sein des centres publics ou privés qu'en ce qui concerne les prises en charges en individuel.
En outre, sachant que les prises en charges en individuel s'avèrent en principe plus efficaces, il est aussi impératif que l'État participe au maximum au remboursement des frais relatifs à ces prises en charge, d'autant qu'il ne peut qu'en sortir gagnant puisque plus la prise en charge est bonne, plus les chances d'une évolution favorable sont élevés. L’État pourra être dispensé de prises en charge ultérieures (quand la personne présentant un TSA aura atteint l'âge adulte). Le rapport sera donc gagnant gagnant.
- Pour ce qui est de la question de la scolarisation des enfants TSA :
Il est avéré que l'école est le milieu le plus adapté et le plus favorable à une bonne évolution de l’enfant TSA. Il est donc nécessaire d'aller vers un maximum d'inclusion, et ce, conformément d'ailleurs à ce que prévoit l'article 48 de la Constitution Tunisienne.
La scolarisation des enfants TSA peut se faire selon des formules adaptées à certains enfants (l'exemple des classes spéciales du type Ulysse en France avec insertion partielle dans les classes "ordinaires", temps partiel, etc...), ce qui signifie que nous ne sommes plus seulement dans une logique d'insertion où c'est à l'enfant de s'adapter à l'école mais dans une logique d'inclusion, ce qui signifie que c'est à l'école de s'adapter à l'enfant.
Peut-être est-il aussi utile de rappeler combien le fait de côtoyer un enfant TSA, et un enfant "différent", d'une façon générale, peut être enrichissant et bénéfique pour les enfants dits "neurotypiques".
N'est-ce pas là la définition même du véritable "vivre ensemble" !?
Beaucoup de travail, notamment pédagogique et de sensibilisation reste à accomplir. Un accompagnement des familles souvent peu ou mal informées, isolées et livrées à elles-mêmes est certainement également nécessaire.
Il est impératif d'œuvrer à ce que les diagnostics soient fixés le plus tôt possible et à ce que les prises en charge puissent être mises en place au plus tôt et que tout le monde ait la possibilité d'y accéder et pas seulement les mieux nantis.
Quand l'accompagnement est encore nécessaire, il est impératif aussi qu’il se poursuive à l'âge adulte. Il ne faut pas, en effet, oublier les adultes TSA, souvent encore plus abandonnés par tous, hélas !
Offrons à tous nos enfants le meilleur. Ils le méritent tous. Tout doit être mis en place pour rendre cela possible.