On attendait Gaïd Salah mardi, dans son impatience il nous a pris à contre-pied et nous a délivré ses pensées les plus intimes dès le lundi, pour en remettre une couche le mercredi, un exploit ! Et elles n’ont pas changé. Il confirme qu’il est bien le nouveau patron du pays et surtout que ce rôle lui plait et qu’il n’est pas prêt à céder le pouvoir.
S’abritant derrière la crainte du vide constitutionnel qui selon lui nous entraîne « dans un tunnel obscur et vers la suppression de toutes les institutions de l’État », il rejette toute modification de la loi fondamentale qui pour lui « est le fédérateur des composantes de l’identité nationale et des solides constantes qui n’ont nul besoin de quelque forme que ce soit de révision ou de changement ». À l’image de la ministre de la culture qui déclare « ou on m’accepte comme je suis, ou on m’accepte comme je suis ».
Monsieur Gaïd Salah, aucune constitution n’a pour rôle de fédérer les composantes de l’identité d’un peuple, leur rôle est de régir l’organisation et le fonctionnement de l’état, d’organiser, en son sein, les rapports entre gouvernants et gouvernés, ainsi que de garantir les libertés et les droits des citoyens contre les abus des pouvoirs.
J’ai une mauvaise nouvelle pour notre vice-ministre de la défense, au-delà du 9 juillet il n’y aura pas de vide constitutionnel, comme il le prétend, l’actuelle constitution continuera à régir l’état algérien, mais nous serons dans une situation d’inconstitutionnalité du fait que nous n’aurons plus de président. En effet Bensalah, bien que rejeté par la population, bien qu’installé par un coup de force, pouvait s’abriter derrière la loi fondamentale, qui lui donnait mandat jusqu’au 9 juillet 2019. Au-delà le pays n’aura plus de président légitime ni légal.
Le peuple algérien est habitué aux situations inconstitutionnelles depuis 1962, voire carrément à l’absence de constitution (comme entre 1965 et 1976), et la menace brandie par Gaïd Salah ne lui fait pas peur.
Nous algériens (comme tous les peuples du monde) aimons notre pays et son armée. Une armée dont nous sommes fiers, car nous savons cette dernière à la hauteur des enjeux et nous sommes convaincus qu’elle saura faire face vaillamment, à tous les périls venus de l’extérieur.
Mais nous la voulons vouée exclusivement à ses missions, et c’est bien ce qui ressort des revendications de cette grandiose mobilisation. Il suffit de tendre l’oreille pour entendre ces « djeich, chaab, khawa, khawa » (trad. l’armée et le peuple sont frères). Par contre depuis que Gaïd Salah s’oppose à la volonté du peuple, ou peut-être est-ce pour les besoins de la rime, le peuple a ajouté à ce slogan, « ou Gaïd Salah maa elkhawana » (trad. Et Gaïd Salah avec les traîtres).
C’est triste en effet, car notre vice-ministre de la défense était bien parti pour être considéré comme un héros, quand il appelait à l’application des articles 7 et 8 de la constitution. Et c’est ce revirement que lui reprochent les manifestants.
Comme d’habitude Gaïd Salah, s’étale sur la corruption et nouveauté, il décrit les causes de la crise économique que connaît notre pays, comme le résultat de la mauvaise gestion de quelques responsables. Mais alors que faisait-il lui, durant ces vingt dernières années au cours desquelles fleurissaient la gabegie, l’incompétence, la mauvaise gestion, la corruption et les magouilles qui ont permis de vider les caisses du pays ? Depuis quatre mois le peuple conteste la nomination de Bensalah et de Bedoui, qui symbolisent, pour lui, cette mauvaise gestion et pourtant le Général de corps d’armée les soutient contre vents et marées.
Comme d’habitude, il se cache derrière la constitution et s’entête à exiger des élections, dans les conditions actuelles et contre la volonté du peuple. Même l’Organisation Nationale des Moudjahidine est sorti de son habituel silence pour proposer une feuille de route, qui prend en compte les exigences du peuple et demande également que le sigle « FLN », qui est la propriété de tout le peuple, soit versé au musée.
Comme d’habitude, il agite l’épouvantail des ennemis du pays, présents lors des marches et qui selon lui portent des drapeaux qui ne sont pas celui de l’Algérie. Gaïd Salah semble avoir rallié le camp des arabo-baathistes ignares, qui veulent nier à l’Algérie son caractère amazigh et il a décidé, pour tenter de semer la division dans les rangs de la révolution, d’interdire les drapeaux autres que l’emblème national.
La France a tenté le même genre de manœuvres avec la « bleuite » et autres techniques de guerre psychologique, sans succès. Le drapeau amazigh* est le symbole d’une identité culturelle qui s’étend du Nil à l’océan Atlantique, et il n’est pas propre à une minorité comme le clame notre vice-ministre de la défense avec beaucoup d’ignorance.
Une culture bien antérieure à l’avènement de l’Islam, une culture millénaire, n’en déplaise aux esprits chagrins. Si l’Algérie a des ennemis, ce n’est pas chez les porteurs d’étendards qu’il faut les chercher, mais peut-être du côté de ceux qui s’opposent à cette magnifique révolution, qui ne rêve que de paix, de fraternité, de construction d’un état démocratique fort, doté d’une justice réellement indépendante, d’une presse libre. Un état qui respecte ses propres lois, qui respecte les droits et les libertés de ses citoyens, un état dont nous puissions être vraiment fiers et que le monde entier respecte.
Les propos et menaces à peine voilées, du vice-ministre de la défense contre les amazighs, sont contraires à la constitution qu’il est censé défendre. En effet, dans son préambule, la constitution consacre le caractère Amazigh du pays et précise que « Son histoire, plusieurs fois millénaire, est une longue chaîne de luttes qui ont fait de l'Algérie de toujours une terre de liberté et de dignité ». Histoire plusieurs fois millénaire, alors que l’Islam n’est arrivé en Afrique du Nord que depuis environ 1400 ans…
À quoi rime cette insistance à vous opposer à la volonté du peuple et à vouloir nous imposer une élection, en nous la présentant comme la panacée, la seule issue. On veut même nous faire croire que l’Algérie est dans l’impasse, alors que c’est le système qui, à bout de souffle n’a plus d’issue. Aujourd’hui Gaïd Salah nous apprend que le futur président sera élu sur son programme. Une nouveauté ! D’habitude c’était seulement par le bourrage les urnes.
Comme d’habitude, donnons-nous rendez-vous ce vendredi, jour de l’habituel suffrage universel qui vous délivrera la même sentence : les algériens sont tous des frères, qu’ils viennent de l’est ou de l’ouest, du nord ou du sud, et la revendication est inchangée, Dégagez tous !
Note
* Petite explication pour les cancres qui racontent n’importe quoi au sujet du drapeau amazigh : il a été confectionné par Mohand Arab Bessaoud, l'un des fondateurs et le principal dirigeant de l'Académie berbère. C’était aussi un ancien moudjahid. Les couleurs qui composent l’étendard représentent le bleu pour la mer et l’océan, le jaune pour le sable du désert et le vert pour les forêts qui recouvrent nos montagnes. Quant au motif central il représente la lettre « Z » dans l’alphabet Tifinagh, et pour les amazighs il symbolise la liberté.