La petite vieille courbée sur sa canne...courbée sous les jours...courbée sur sa solitude qu'elle semblait vouloir cacher aux yeux du monde…
Je l'ai croisée cet après-midi...un petit bout de femme semblable à un parchemin...marchant pliée en deux comme si elle avait honte de tenir autant d'espace...sa canne guidait ses pas car elle n'avait plus de destination...elle marchait juste pour marcher...personne ne l'attendait plus, elle n'allait voir personne…
Elle était adossée à un mur, loin de chez elle..c'était le mur du cimetière...Personne ne faisait attention à ce fantôme hantant l'espace des vivants...ils n'ont rien à faire d'une vieille abandonnée...oubliée de la mort, négligée par la vie…
Son mari est parti...c'est le destin...Ses fils ne viennent plus...c'est la nature humaine...Vers le soir, sa canne la ramènera vers sa demeure déserte où elle retrouvera des murs aussi silencieux que les vivants qu'elle a croisés…
Demain, une nouvelle journée de mort-vie sera supportée avec le même désespoir lucide...je lui jetterais peut-être en la croisant un bonjour gêné à travers les vitres baissées de ma voiture...qu'elle n'entendra peut-être pas...et elle poursuivra son chemin...une vivante étrangère parmi les vivants…