Dans sa forme actuelle, notre démocratie peut pactiser avec la mafia, jamais s'en débarrasser !

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La thèse du complot devient franchement lassante. D'autant qu'elle est insultante envers les jeunes tunisiens, qui se laisseraient manipuler comme des marionnettes.

On ne se demande pas si cette prétendue manipulation n'est pas plutôt une sorte "d'empowerment" : une façon de conférer à des hommes et des femmes le pouvoir de donner forme à une revendication qu'ils portent en eux, et celui ensuite de la soutenir face à l'adversité d'un système qui s'est illustré et s'illustre encore par sa capacité à ignorer tout ce qui ne vient pas de lui.

Beaucoup de nos élites éclairées, dont le souci est surtout de briller en société, nous alertent du haut de leur savoir sur le fait que nous pourrions être les jouets de telle ou telle puissance. Merci à eux.

Mais on aurait aimé qu'ils fassent preuve de plus de rigueur dans la façon d'envisager les diverses hypothèses... Les dangers contre lesquels ils nous mettent en garde ont toujours ceci de particulier que leur prise en compte exclusive revient à préserver un ordre où ils ont toutes leurs aises. Mais chut : voilà un sujet qui fâche !

Le tragique ou l'ironie de la situation nouvelle, c'est que plus on diabolise le candidat au plus large score, plus on fait son affaire. Car, bien sûr, cela renforce les chances de son adversaire de passer au second tour.

Or cette victoire, qui serait celle du repli sur la défense de ses acquis, mais aussi celle de l'acceptation du retour de la mafia, de ses réseaux, de ses médias et de ses mercenaires de l'ombre au cœur du pouvoir, c'est précisément ce qui est recherché pour parfaire les conditions d'une "saine insurrection"…

Plus encore qu'un bon score au prochain tour, c'est cela qui est visé pour obtenir un changement que seule une nouvelle secousse révolutionnaire est capable d'assurer.

La vague d'adhésion à la candidature de Nabil Karoui, sous l'emprise de la peur ou sous l'effet d'une sorte d'addiction au système existant et son clientélisme, aura pour contrecoup une vague venue de l'intérieur, dont l'ampleur se voudra au moins équivalente, et qui est très précisément ce qu'espère Kaïs Saied pour réaliser son projet.

Car on aura apporté la preuve que, dans sa forme actuelle, notre démocratie peut pactiser avec la mafia, jamais s'en débarrasser, et qu'il faut donc qu'elle soit transformée.

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