L’effet boomerang de la république …

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En Tunisie, la pratique répétée de la vie politique devrait contraindre les penseurs libres que nous sommes devenus, à comprendre l’action de nos gouvernants pour les critiquer ensuite. Jamais plus, il ne faut soutenir de régimes dont le système de valeurs est uniquement basé sur la déshumanisation des opposants.

Critiquant dictatures et impérialismes, Hannah Arendt avait écrit dans son livre, paru aux Éditions du Seuil - Qu’est-ce que la politique - : ”penser la condition humaine, c’est penser les conditions d’une existence collective sensée et créatrice, plutôt qu’absurde et destructrice”.

De par mon parcours de citoyen brimé et vivant l’exil, j’ai maintenant la conviction, que seule, la convergence des consciences entre citoyens et dirigeants vers un idéal partagé, permet d’éviter la fragmentation de la société et son déclin vers les abîmes les plus profonds …

Jusqu’alors, nous n’avions qu’une culture historique biaisée par l’intoxication à la propagande bourguibienne. Notre passé avait eu à subir l’effet de deux Républiques despotiques, l’une étant l’héritière médiocre de l’autre. Bourguiba et Ben Ali avaient accaparé le paysage politique, usant et abusant de leurs prérogatives de chefs d’état.

Les effets conjugués de leur tyrannie et de leur longévité politique avaient décimé une classe politique de qualité, pour qu’elle ne pense jamais à la succession. Ou au mieux, ils l’avaient formatée pour l’anesthésier, la transformant en une groupie pavlovienne acclamant le mentor, quelques soient ses dérives.

Le discours d’un Bourguiba sénile et déconnecté des réalités du pays après les émeutes du pain, devant un parterre de politiques qui l’applaudissait chaudement après chaque bribe de phrase qu’il avait du mal à prononcer, était du même niveau caricatural que celui observé à l’école politique de l’ex-dictature soviétique ou celle de l’actuelle Corée du Nord.

Avec un Ben Ali répressif, plus visionnaire que son prédécesseur puisqu’il pût le destituer aisément pour continuer à le singer en excluant les rivaux potentiels, l’on s’étonne aujourd’hui que la République, avec ses effets boomerang nocifs pour elle-même, va mettre un certain temps à se relever de ses déboires. En seulement deux générations, ce modèle étatique, populaire chez une grande partie de l’intelligentsia, se dégonflera aussi vite qu’un ballon de baudruche …

À partir de là, la Troïka était restée impotente face à une telle situation de fragilité et Béji Caïd Essebsi ne fût qu’un commis de l’État, tiraillé entre forces modernistes et conservatrices, expédiant les affaires courantes et se muant en pompier de service d’une institution moribonde. Et par effet domino, notre élite politique, par manque d’apprentissage démocratique, était devenue médiocre, incompétente et affairiste, à notre grand regret …

Personnellement, j’avais placé tous mes espoirs en Kaïs Saied, parce qu’il était le vrai candidat anti-système, intègre, patriote, différent de ceux qui s’étaient rangés un jour du côté de la Dictature, pour s’en défaire ensuite, espérant seulement passer le seuil du palais de Carthage. Il représentait à mes yeux, malgré un stéréotype inhabituel, le seul présidentiable honorable n’ayant jamais trempé avec les despotes pour virer sa cuti, comme le firent tant d’autres qui pensent qu’un passé fait d’alliances douteuses ne reflète pas les valeurs de probité et ne pèse jamais dans la balance des choix électoraux d’un peuple …

Après le rejet du gouvernement acté sous peu par l’ARP, ma position n’a pas changé d’un iota. Notre Président a maintenant les mains libres et les coudées franches pour vraiment se mettre au travail avec une équipe de son choix, resserrée autour de lui et visant les mêmes objectifs de redressement et de sécurisation du pays.

Il s’attachera à rassurer les citoyens d’un état malade de soixante ans de mauvaise gouvernance. Et de relever le niveau et la confiance de notre Nation, souffrant de la clochardisation de son économie et de la faiblesse de sa monnaie …

Au passage, il faut saluer l’esprit bien intentionné de tous les députés des différents blocs parlementaires qui ont su respecter les règles du jeu en acceptant le verdict du vote, sans violence aucune. Face à de multiples scénarios à venir possibles, les perdants devront analyser les causes de leur échec et les vainqueurs ne pas crier victoire trop tôt.

Certes, la Tunisie perd un temps fou à trouver ses repères, mais ô combien précieux pour conforter son processus démocratique. L’échec en noces du modernisme à tout-va, destructeur de notre identité arabo-musulmane et du fondamentalisme d’importation qui lui a répondu, sont les deux travers des différents régimes républicains. Trop immobilisés qu’ils sont dans les querelles intestines, l’avenir du pays ne doit plus tourner autour de la question religieuse, même si elle est primordiale.

Face à la division permanente, les uns devront apprendre le respect à l’Islam des Lumières tandis que d’autres doivent s’ouvrir à la Modernité régulée. Pour le maintien sans heurts de cet équilibre précaire, il faudrait l’existence d’une Haute Autorité Morale indépendante du pouvoir, pour empêcher les partis politiques de se transformer en chaudrons où bouillonnent les dépassements autour de cette question sensible.

Maintenant, notre Président doit reconstruire sur les décombres laissés par ce combat inutile et stérile. Il doit œuvrer à éviter de dresser les politiques les uns contre les autres et prendre dans son équipe les plus doués, sans considération idéologique autre que de remettre en route l’économie du pays.

Si la République est tombée si bas, c’est que les egos des apparatchiks des deux bords ont pris le pas sur la fracture sociale. Bourguiba avait ouvert la boîte de Pandore et Kaïs Saied doit la refermer au plus vite, seul moyen d’avoir la paix pour pouvoir reconstruire un projet durable …

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