C'était à la suite d'un cours de Méthodologie (avec un penchant pour l’Épistémologie des Phénomènes Sociaux) où nous, alors jeunes, nous posions tellement de questions sur la société tunisienne et les mécanismes de répartition de la richesse et de captation de la rente de l'époque, que nombreux parmi nous la considéraient trop entachée d'aliénation et que le bout du tunnel n'était même pas pensable.
En fait, tout était considéré ''à refaire'', et même je disais souvent sur un ton d'humour intentionné, mais manquant de rigueur que ''tout est à refaire depuis le déplâtrage des arcades romaines par les Hafsides''. C'était comme un semblant de défi au Maître du cours quand je lui demandais à la buvette des ''solutions'' à des problèmes a priori insolubles.
Sans avoir trop pensé, il me disait : ''qu'il faut accéder au système par ses propres failles'' et ''entreprendre ce qui est possible à faire sans prétendre changer tout le système, et qu’il y a toujours un moyen de comprendre sa dynamique interne et contribuer dans l'amélioration des choses même d'un cheveu''.
Me voilà après plus de 20 ans, y revenir pour mieux comprendre le Professeur quand je me rends compte des ''failles du système'', mais c'est de l'actuel qu’il s’agit ! En fait, le système politique a suffisamment progressé, les pratiques démocratiques ont été adoptées, l'espace des libertés d'expression et d'appartenance s'est considérablement élargi, l’alternance pacifique au pouvoir s'est matérialisée... autant d’éléments fondamentaux dans le système ont bien changé, sans que cela soit exclusif à ceux qui y ont cru et effectivement réalisé.
Or, ce système est muni de certaines failles en permettant le ''laisser passer'' aux capteurs de la rente qui, de leur côté, font en sorte que de nouveaux rentiers n'y accèdent pas, ceux qui en profitent pour le détruire, et aussi ceux qui y accèdent cherchant les miettes pour leur propre compte.
Serait-il alors vital de le protéger des intrus et de ceux qui en abusent ? Comment séparer le bon grain de l'ivraie.
L'enjeu est devenu capital, puisque le pays est investi par l'anarchisme. En effet, plusieurs Hommes politiques ont vite atteint leur asymptote horizontale, un président mène le pays vers l'inconnu par l’ambiguïté et l'interprétation curieuse de la Constitution, un chef de gouvernement n'en ayant a priori pas l'envergure, un banquier central choisit mal les moments pour faire des déclarations décalées et une élite intellectuelle majoritairement insouciante et en retrait par rapport même à son devenir.
Ces acteurs font à l'évidence partie du système. Voilà les vraies failles d'un système perméable aux intrus, et ce n'en serait nullement le régime politique en soi déjà adopté dans plusieurs pays de tailles et de démocraties comparables.
En fait, avec cette configuration et la même règle de répartition de la rente sociale qu'autrefois, quel que soit le régime politique alternatif, la croissance économique ne double pas, et le chômage ne diminuera jamais de moitié ainsi que les déficits et l'inflation.