Massivement financé en crowdfunding et réalisé avec soin, le film qui laisse une parole sans contradiction aux anti-masque risque de faire des dégâts.
Les conspirationnistes persuadés que l’épidémie de coronavirus est une conspiration pour contrôler le monde ont dorénavant leur blockbuster. Sorti le 11 novembre 2020, le documentaire Hold Up déroule pendant 2h45 les propos de plusieurs dizaines de personnalités pointant du doigt des « mensonges et des manipulations » autour du Covid-19.
Confusion généralisée sur l'épidémie
Réalisé par Pierre Benamias, plutôt spécialisé sur le sujet de « la vie après la mort », le film donne la parole à de très nombreux intervenants dont le point commun est d’être « covid-sceptiques ». La plupart pensent que la maladie se soigne très bien et ne justifie pas les mesures de confinement prises par le gouvernement.
On y retrouve des scientifiques comme Christian Perronne (connu pour soutenir la thèse selon laquelle la maladie de Lyme aurait été artificiellement véhiculée par les nazis), des politiques comme Martine Wonner (députée ex-LREM, qui relaye de fausses informations régulièrement sur les réseaux) ou encore Monique Pinçon Charlot, sociologue à la retraite, spécialisée sur le monde des grandes fortunes (et qui déroule ici un discours sur « une troisième guerre mondiale » et un « holocauste » mené sur les plus pauvres).
Pourquoi ce film est-il difficile à débunker ?
Avec sa multitude d’intervenants aux CV parfois impressionnants, et sa mise en scène impeccable qui reprend parfaitement les codes de la télévision, le film rayonne, et est perçu comme légitime. Rien que par la forme, donc, il est difficile de contredire son discours. S’ajoutent à cela les très nombreux arguments, parfois en contradiction les uns avec les autres, qui constituent une mille-feuille argumentative très longue à démêler.
Interrogé sur le sujet, Jonathan Parienté, chef de service de la rubrique Les Décodeurs du journal Le Monde, a indiqué que plusieurs journalistes planchaient sur le film, morceau par morceau afin de pouvoir débunker les éléments les plus controversés.
Sur Libération, un article (payant) portant sur la genèse du film et la manière dont il s’est financé est disponible. Enfin, sur Twitter, plusieurs threads sur le sujet ont déjà été mis en ligne avec l’identification de certaines figures du milieu complotiste présentes dans le film. Mais rien ne dit si ces efforts d’éclaircissement seront efficaces. Il est possible que Hold-Up connaisse le même destin que Loose Change, un autre documentaire populaire et controversé qui a alimenté pendant des années, les théories complotistes sur les attentats du 11 septembre 2001.
Le braquage parfait
Partagé de manière illégale et massive sur différents groupes Facebook et WhatsApp, il est difficile de savoir combien de fois le film a été vu. En revanche, on a une petite idée de l’argent que ce projet a récolté et continue d’engendrer. En effet, le documentaire a amassé près de 182 000 euros sur Ulule et a vu son compte Tipeee passer de 28 000 euros à plus de 103 000 euros par mois en une journée seulement.
Dans un thread publié sur Twitter, Alexandre Boucherot, CEO d'Ulule a lui-même reconnu que le projet qui avait passé la première étape de sélection n'était pas le même que le résultat final, bien moins pluraliste dans ses points de vue. Autrement dit, il s'agit bien d'un véritable « hold-up ».