Adieu Abdelhamid

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En 1956, jeune militant communiste, j’avais rencontré Abdelhamid Ben Mustapha dans un café de la rue d’Alger dont j’ai oublié le nom et qui a disparu depuis. Nous nous étions attablés autour de lui, et des camarades de son âge l’avaient plaisanté à propos du journal qu’il lisait, Le Canard Enchaîné : « C’est donc de là que tu sors les plaisanteries que tu nous sers ! » dit l’un d’eux avec une pointe d’affection.

Il ne nia pas, se contentant d’encourager ses interlocuteurs à cultiver leur sens de l’humour. Tout le monde l’aimait beaucoup, il avait une personnalité si attachante qu’on ne s’intéressait qu’à ses propos, toujours originaux et intéressants, et souvent pleins d’humour.

Deux ans plus tard, devenu un dirigeant du parti, il fut chargé, avec Noureddine Bou Arouge, de faire le procès des membres du groupe de Paris du PCT, soupçonnés de trotskysme : il fit son travail avec une rigidité qui ne collait pas avec ce que je connaissais du personnage qui avait été l’un des animateurs de la dissidence au sein du PC, dont le groupe de Paris avait été la pointe.

Je n’eus plus l’occasion de le revoir avant 1968, lorsqu’il passa avec nous une année en prison : faisant parti d’un groupe de quatre communistes au milieu de plus de vingt-cinq Perspectivistes, il sut gagner l’estime de tous les détenus en respectant et en imposant le respect, non seulement de tous, mais aussi des différences de point de vue, ce qui n’était pas très facile alors en ces lieux.

Je l’ai revu plusieurs fois depuis, retrouvant son humour et la chaleur de son amitié, sans que rien de sa part n’évoque les distances politiques qui pouvaient nous séparer.

C’est peut-être ce culte qu’il semblait vouer à l’amitié qui explique que, bien qu’écarté de la direction du Parti, il s’est toujours refusé à mettre en cause ceux qui l’avaient éloigné ou même de seulement parler des divergences qui avaient conduit à cette rupture, privant peut-être les Tunisiens d’éléments d’histoire sur la gauche.

Aujourd’hui, comme de très nombreux Tunisiens, comme tous ceux qui l’ont connu et apprécié, je m’incline devant la dépouille de cet homme, de cet ami qui n’a jamais cessé de dénoncer l’injustice.

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