Depuis qu’il a déposé sa demande de passeport, Brahim dort très mal. Il ne cesse de penser que son avenir est en train de se décider et que c’est le moment d’en fixer réellement le cap. Sa bêtise d’il y’a sept ans, il continue à la payer.
C’était la première fois qu’il en goutait, ses copains du lycée lui en ont proposé pour égayer ce dimanche avant d’aller au stade enflammer le virage et faire la fiesta. Malheureusement, les incidents ont amené les forces de l’ordre à faire des arrestations dont il a été victime.
L’analyse lui a coûté non seulement « un an et une vespa » mais surtout ses études… même s’il n’y était pas brillant. A peine dix neuf ans, il se retrouve bêtement en taule.
Depuis, il essaye de se convaincre qu’il est devenu un homme malgré tout ce qu’il a subi en prison, qu’il tait à tout le monde mais qui le fait sangloter quand il se retrouve seul dans sa chambre. Ses nuits sont hantées par Bango et Ammar qui terminaient de longues condamnations. Il n’oubliera jamais la douleur et l’humiliation qu’il a subies dans sa chair et dans son honneur de la part de ces deux prédateurs…
A la sortie, il a abandonné les bancs du lycée et est allé chercher du travail loin de son quartier, de ses anciens amis et de tout miroir pouvant réfléchir son image. Sa peur est de rencontrer ses anciens compagnons de geôle …ses véritables bourreaux.
Heureusement qu’il a rencontré Othmane, le seul qui devine ses douleurs et qui essaye de l’aider. Il lui a prêté de l’argent pour préparer son passeport et même un peu plus. Il lui affirme en rigolant qu’un jour il pourra rembourser ses dettes en dollars…au point que Brahim s’est empressé de demander à un collègue si le dollar vaut aussi bien que l’Euro…
Il se rappelle que certains de ses amis qui ont « émigré » pour l’Italie, viennent l’été frimer avec leurs Euro…
En attendant, sa mère lui demande s’il peut faire un saut au bled pour lui ramener un peu d’huile et quelques sous que ses frères lui réservent de l’exploitation familiale commune.
Il pense que ce voyage lui fera du bien, surtout qu’il y rencontre son cousin Moussa, son vrai alter égo…
Il a informé Othmane, a pris deux jours de congé et a téléphoné à Moussa : j’arrive.