La réponse à la question n'a rien de très sorcier de mon point de vue : ces accords entérinent la mise à l'écart de la partie palestinienne. Autrement dit, après avoir expulsé le Palestinien de ses terres, après l'avoir expulsé en tant qu'interlocuteur de paix, on l'expulse en tant que partie prenante dans une négociation qui porte sur la paix entre Juifs et Arabes…
Sans être une particularité tunisienne, la manie qu'ont certains hommes d'expulser, de bannir de leur horizon d'autres hommes est une manie qui suscite chez nous une profonde réprobation et un mouvement de solidarité avec celui qui en subit les méfaits. On peut dire sans grand risque de se tromper que la révolution tunisienne repose essentiellement sur cette disposition au refus de l'ordre qui voudrait qu'il y ait d'un côté des élus de la terre et, de l'autre, des damnés de la terre.
Mais, d'une manière générale, les Accords d'Abraham présentent toutes les caractéristiques du mauvais accord. Et cet avis n'est pas seulement celui qu'exprime le Tunisien, ni même le citoyen des différents pays arabes : il est celui de tout homme sensé qui observe les mœurs politiques des nations et qui sait distinguer ce qui est sain de ce qui ne l'est pas.
Que ces accords aient été imposés au monde par le tonitruant et fantasque personnage qu'est Donald Trump ne devrait d'ailleurs pas leur conférer plus de crédit que ceux d'une farce diplomatique. Il se trouve cependant que l'incurie de l'Occident à dégager une issue de paix en une région où il s'est lui-même beaucoup impliqué par ses partis-pris a créé une telle impasse que les farces font illusion.
C'est la fausse solution de la lassitude, que certains acceptent parce que, sous la pression, ils basculent dans la logique du viol politique que pratique l'Occident dans sa relation avec les partenaires qui lui résistent, pour "en finir" par exemple avec une paix qu'il est incapable de créer.
Notre intellectuel, soucieux de vendre son nouveau livre qui porte le titre "S'exprimer librement en Islam", semble avoir eu quelques problèmes de liberté d'expression en terre française. On n'aura pas manqué de noter le soin qu'il a mis à montrer patte blanche à l'occasion de la désormais traditionnelle question sur l'attaque du Hamas : odieuse, insoutenable, inqualifiable…
Il est vrai que la situation politique en Tunisie suscite bien des inquiétudes, et que la dérive populiste du pouvoir actuel nous éloigne chaque jour davantage d'une sorte d'alliance culturelle avec la France qui a été longtemps une voie de salut vers la modernité. Mais aujourd'hui le salut passe par un front du refus qui rassemble les courants dans leur diversité, non par des gestes qui s'apparentent à une forme de mendicité.