En ces temps de campagne électorale, il n’y a guère beaucoup de candidats qui posent certaines questions, qui me paraissent essentielles. Il me semble en effet surprenant que la plupart des gens ne remettent pas fondamentalement en cause le régime économique du pays.
Pourtant, la faillite économique du système tunisien se confirme chaque jour, toutes les capacités créatrices du pays le quittent de plus en plus, l’obéissance aux diktats de l’impérialisme et de ses officines, comme le FMI, qui ne cherchent qu’à rassurer les éventuels investisseurs étrangers, même aux dépens de la majorité des Tunisiens, montre chaque jour son inefficacité, le pouvoir se plaint de ne pas avoir des ressources…, malgré tout cela, on persiste à essayer de raccommoder les choses, et enfonce toujours plus le pays dans l’endettement.
Peut-être conviendrait-il de ne plus s’appuyer sur les lois du marché mondial, mais de se tourner vers les capacités locales : capacités de travail, et pas seulement de travail non ou insuffisamment qualifié, par exemple en encourageant les activités peu gourmandes en investissements financiers, mais exigeant des capacités intellectuelles et techniques que nous avons à profusion, comme celle des techniciens des nouvelles technologies, ou des créateurs culturels : qu’on se souvienne, les apports à l’économie française de sa production cinématographique ont été, à une époque, supérieurs à ceux de son industrie automobile, alors en pleine croissance..
Changer de logiciel de production exigerait des investissements importants ? Qu’à cela ne tienne, il suffit de réquisitionner, d’une façon ou d’une autre, les sommes énormes stockées par les trafiquants en tous genre, de faire rentrer les impôts dus par tous les barons du marché parallèle,…, et promulguer de nouvelles lois plus aptes à promouvoir un développement autonome : les sommes ainsi récoltées permettraient de faire face aux obligation de l’Etat et de subventionner les producteurs qui seront les facteurs d’une autre production apte à répondre aux besoins du pays, et non plus aux nécessités d’une société de consommation ruineuse et ne profitant qu’aux capitaux étrangers et aux riches nantis du pays.
De toute façon, le changement de régime économique, qui doit commencer avec la rupture des liens actuels de dépendance avec l’impérialisme, doit d’urgence faire l’objet de larges débats, de propositions d’initiatives nationales de production, d’une nouvelle approche de la démocratie dans le pays : celle qui a tourné les dos à la révolution de 2011 et qui s’est appuyée sur les « compétences » du passé a largement échoué, il est temps d’envisager autre chose, plus conforme aux attentes de notre peuple et de sa jeunesse, et à son génie créatif.
Rompons avec l’imitation servile de ceux qui nous appauvrissent, nous maintiennent dans des logiques de rapports économiques du passé, nous obligent à leur donner cent fois la valeur de ce qu’ils nous proposent, nous font payer pour former pour eux ceux qui suppléaient leurs faiblesses intellectuelles, et nous imposent des politiques qui les servent…
Je n’ai entendu pour ma part qu’un seul candidat, Elyès Fakhfakh, qui parle de cette question, peut-être un peu trop rapidement : sa voix a résonné dans le désert médiatique, cette façon de poser les problèmes n’intéresse pas les autres candidats ; son parti Ettakatol n’a pas fait de campagne sur ce point ; et comme il n’a pas beaucoup de chances d’être élu et que ce débat suppose une autre façon d’aborder les problèmes de corruption et d’évasion fiscale (où les hommes et femmes politiques trouveraient-ils alors le financement de leurs activités ?) on continuera à parler de sujets de moindre importance pour le pays, et, au mieux, tout continuera comme avant, une fois dépassée la folie meurtrière des élections.
Et pourtant…