Dimanche est jour de repos, de farniente, jour où on aime se prélasser dans son lit, se réveiller tard après avoir savouré sa grasse matinée, ensuite se consacrer, malgré le frimas hivernal, à ses activités dominicales, qui varient selon le sexe et la bourse : marché aux puces, shopping, jardinage, randonnées, lecture, sport, parties de cartes, cancan et bavardage, divertissements divers, grand ménage pour les moins chanceuses et les moins nanties, bref, un dimanche traditionnellement propice à la paresse, aux pantoufles et à une sorte d’apathie intellectuelle…
Or, nos politiques choisissent justement le jour où l’on se préoccupe le moins d’eux, où leur inexistence devient presque souhaitable, où leur visibilité est presque nulle pour nous rappeler, qu’en Tunisie, la politique est aussi imprévisible que les volcans et que sa lave de plus en plus incandescente peut à tous moments dévaler les pentes abruptes de notre quotidien morose et rendre impétueux le plus placide, le plus glacial des fjords endimanché !
Ce dimanche fut à ce titre chaud bouillon, et ce que craignaient les nidaïstes les plus destouriens arriva avec la ponctualité d’un rhume des foins : l’hybride, de son ermitage hammametois, où il aime être entouré de groupies empestant la luxure et la concupiscence, rompit sans sourciller le cordon ombilical et montant sur ses ergots, gouverné qu’il est par sa vanité de soubrette truculente, confirma sa rupture définitive avec le patriarche , plutôt ingrat à son égard, et son désir irrépressible de créer un nouveau parti politique où il sera le leader incontestable, la star, le chef, l’émir , celui dont l’autorité ne pourra jamais être égratignée ou taquinée par un hurluberlu de l’envergure, une si petite envergure, d’un Hafedh Caïd Essebsi et de sa clique de proxénètes !
En tant que rassembleur et en dépit de sa notoriété contrariée voire esquintée par l’animosité d’un nabot, Marzouk se donne un mois pour vider Nidaa de sa substantifique moelle, enrôler le plus grand nombre de déçus, se rapprocher de Afek et l’avaler goulument, marcher sur les plates-bandes de la jebha et associer certains de ses seconds couteaux à son projet , brasser large en vue de gagner le plus grand nombre de députés à sa cause, une bonne cinquantaine, ça te donne du poids et on est attentif à tes exigences, et lancer son nouveau parti politique le 10 Janvier 2016 avec l’intention à peine dissimulée de chasser du gouvernement Essid et de menacer le trône brinquebalant d’un Béji affaibli, isolé, assiégé à Carthage par les hordes affamées d’un Attila revanchard, ledit Béji qui sera obligé de demander, la honte, la protection de Rached Ghannouchi et de ses députés !
Certes, il existe un autre rival potentiel, celui qui discrètement, dans quelques villas cossues du Lac et de Mutuelleville, accueille avec ce sourire carnassier qui ne le quitte jamais, des notabilités technocrates fascinées par son aura divine et par de vagues promesses de lendemains qui chantent, leur proposant, en échange de leur allégeance, de rejoindre ce parti qui va lui servir de tremplin pour conquérir le pouvoir sans l’aide et le soutien des nobelisés !
Andreotti disait, pour expliquer sa longévité politique bien que fréquemment accusé de collusions mafieuses, que le pouvoir « n’use que ceux qui ne l’ont pas » et Mehdi Jomaa, depuis qu’il a quitté la Kasbah souffre d’insomnie et son addiction est telle qu’il lèchera les saintes babouches de la péninsule arabique entière pourvu que Carthage et alentours soient à ses pieds !
Revenons à Marzouk, le gringo voudrait bien partager la couche du technocrate, en charmeur de serpents, il sait comment s’y prendre, néanmoins, il n’est pas partageur et comme leurs ambitions sont identiques, il n’est guère possible de les voir flirter ensemble, parce que leur tort est de croire que le vieux risque de passer promptement l’arme à gauche et qu’à ce moment là, les bons sentiments s’effriteront comme une roche métamorphosée se désagrège au contact de roches éruptives en fusion…oui, je parlais de volcan, tout à l’heure !
Moncef Marzouki a choisi lui aussi ce dimanche pour faire bouger les plaques tectoniques, ce mouvement de convection est un mouvement perpétuel chez le docteur dont la longue trajectoire politique repose sur un credo indécrottable : essentialiser le magma jusqu’à en faire un allié docile !
Marzouki est l’homme des failles et dès lors qu’il sent, parce qu’il fonctionne à l’intuition, que ce qui a été construit n’est plus en mesure de résister à l’usure inexorable du temps, il rue dans les brancards, se cabre et décoche des ruades jusqu’à ce que l’ancien, désormais obsolète, s’effondre et soit remplacé par ce qu’il espère être compatible avec la nouvelle phase politique !
1400000 voix recueillis au cours des élections présidentielles, malgré calomnies et dénigrements systématiques, en dépit de la faiblesse structurelle du parti dont il est fondateur, ça ne te laisse pas insensible, au contraire, plus tu y crois, plus l’illusion devient tenace et habite son homme, certes, Marzouki est contraint de soustraire les voix islamistes, mais l’arithmétique est implacable, tout seul, il pèse dix fois plus que le CPR, devenu pour son leader un boulet de canon, un souci constant, une source d’ennuis permanents, le paradoxe est lancinant : ceux qui ont voté pour lui n’aiment pas son CPR, il respecte sa personne et ont voté Marzouki…
Un dilemme bien cruel…garder un parti fragilisé par les divisons, les luttes de clan, les crises d’égo, les allergies, les départs, les connivences, les calculs d’apothicaire ou s’imaginer grand et s’imprégner de cette grandeur en rapetissant les nains et en élargissant son spectre idéologique pour entrainer dans son sillage tous les « cocus » de la révolution et leur donner un fief qui soit moins exigu que les murs délabrés de la masure CPR ?
L’idée a germé dans l’esprit volcanique du « docteur » si bien qu’il favorisa encore une fois une remontée spectaculaire du magma…et fit bouger les plaques tectoniques !
Cela s’est traduit, hier, par la naissance, sur les décombres fumants du CPR, d’un nouveau parti « Harak tunisien de la volonté », sigle presque latino-américain, les plus sceptiques l’associeront à une sorte d’exotisme africain, peu importe, mais les observateurs et même les myopes ont compris que pour que la mayonnaise prenne et que les verrous ne cèdent pas dès la première contestation, il fallait contenter tout le monde, n’en sacrifier aucun, donner l’impression d’une certaine unité bien que les divergences soient apparentes, les dissonances visibles et les mauvaises humeurs à peine camouflées par un rictus de circonstance.
Le juste équilibre en politique et en phase de construction est une vue de l’esprit : trop de cpéristes, trop de vieilleries, trop de contrastes, trop d’improvisation dans le choix des hommes, trop de dilettantisme dans l’approche elle-même, dans la pédagogie du faux consensus prôné pour calmer les ardeurs des uns et apaiser les craintes des autres…si bien que le spectacle auquel a abouti ce congrès constitutif, sans élus ni électeurs, sans congressistes, hormis la vieille garde cpériste, rappelle à s’y méprendre celui des partis communistes soviétiques et chinois, avec une pléthore de personnes désignées pour figurer dans un bureau exécutif, quelque chose d’ahurissant !!! A un moment donné on a eu le sentiment que tous les congressistes, y compris les invités, étaient membres de ce comité exécutif !!!
Mais ôtez-moi d’une curiosité, à moins d’être un Noé, cette arche où compte-elle aller, à quel bon port compte-on la conduire ???
Même l’exubérance a ses limites !
Voilà un dimanche qui s’annonçait tranquille et qui a été gâché par nos politiques !