Les binationaux pas coupables mais responsables des crimes jihadistes !
Si la France n’est pas le seul pays occidental à recourir à la déchéance de nationalité en matière de terrorisme (la Grande-Bretagne est allée beaucoup plus loin par exemple), elle le fait selon une logique propre qui sous-tend « une philosophie de pureté nationale », qui introduit le principe d’une responsabilité collective (communautaire), évoquant la figure du bouc-émissaire analysée par l’anthropologue et philosophe René Girard.
La réitération de l’origine étrangère dans le débat public sur le terrorisme ne renvoie pas forcément à une culpabilité présumée – il est évident que dans l’esprit des responsables politiques la très grande majorité des binationaux n’ont absolument rien à avoir avec les auteurs des attentats terroristes – mais se déploie en fonction d’une logique sacrificielle, non pas une victime coupable mais une victime sacrifiable.
Dans la perspective défendue par François Hollande, les Français binationaux sont moins traités en coupables des actes terroristes commis sur le territoire français qu’en responsables indirects, d’où les injonctions multiples à devoir prendre publiquement leur distance à l’égard des « terroristes islamistes ».
C’est bien à ce niveau qu’il convient de situer le débat sur les projets de déchéance de la nationalité à l’égard des binationaux nés français : d’une peine individuelle sur le plan juridique, on glisse inévitablement vers une peine collective sur le plan symbolique, sans qu’on parvienne à maîtriser les effets de stigmatisation qu’une telle évolution est susceptible de produire sur les esprits chagrins.
Retirer la nationalité française à des terroristes binationaux, c’est les punir deux fois, d’une part pour leurs actes criminels, d’autre part, pour leur usurpation de nationalité. Mais c’est surtout induire dans l'opinion publique la représentation collective que leur « origine étrangère » y serait pour quelque chose dans leur déviance mortifère.