POUR BÉJI CAÏD ESSEBSI, LES HOMOSEXUELS RESTENT DES DÉLINQUANTS Á RÉPRIMER
Pour avoir connu personnellement Béji Caïd Essebsi et l’avoir interrogé pendant des heures (à l’époque, il n’intéressait plus personne et vivait dans une demie retraite dans sa maison de la Soukra), je n’ai jamais vraiment cru à son modernisme qui est une pure façade.
BCE est un homme d’ancien régime, machiste, porteur d’un féminisme patriarcal, conservateur sur le plan social, nostalgique de l’autoritarisme d’antan et peu audacieux dans sa vision du monde. Béji Caïd Essebsi pense fondamentalement que les peuples arabes sont des éternels enfants et qu’ils doivent donc être gouvernés par des hommes à poigne, pour ne pas dire des dictateurs. Son modernisme, comme celui de la plupart des Destouriens, s’insère dans une vision profondément conservatrice des rapports sociaux, partisan de l’ordre moral, tout changement significatif étant assimilé à ses yeux au désordre et au laxisme.
En cela, rien d’étonnant à ce que Béji Caïd Essebi s’oppose publiquement à la dépénalisation de l’homosexualité. D’abord, cette prise de position exprime une volonté de plaire au dictateur égyptien, Abdelfattah Sissi qui depuis le coup d’Etat fait la chasse ouverte aux homosexuels. Ensuite, un désir de flatter les franges les plus conservatrices de la société tunisienne. Enfin, une tendance à refouler son propre passé : diaboliser l’homosexualité comme pour mieux l’exorciser en soi.
On peut toujours s’illusionner en présentant Béji Caïd Essebsi comme le « sauveur » du projet moderniste tunisien face à la « menace obscurantiste ». Force est pourtant de constater qu’il ne constitue qu’une une pâle copie du réformisme audacieux d’un Abdelkacem Chebbi ou d’un Tahar Haddad, voire d’un Ahmed Mestiri qui, lui, a eu le courage de dénoncer la dérive dictatorial et liberticide du régime destourien.
Mais on peut toujours rêver en espérant que l’homme de presque 90 ans finira par changer et se réformer "de l’intérieur", en traitant enfin les Tunisiens en citoyens matures.