Le pouvoir enclenche la vitesse supérieure dans l’escalade en passant de la stratégie de criminalisation à celle de la terrorisation et de l’usage direct de la violence contre l’opposition, les citoyens et les organisations hostiles à la tenue du prochain scrutin. Comparée à la répression utilisée avant l’élection présidentielle du 12 décembre 2019 ou celle utilisée lors du référendum du 1er novembre 2020, la répression à laquelle recourt le pouvoir à l’approche du 12 juin 2021 a gagné en férocité.
La timide campagne électorale en dit long sur la « Djazair el djadida » tant promise. Cautionné par des partis islamistes sans fondement populaire, par des partis prés-fabriqués issus des milieux affairistes, ainsi que par des candidats dits-indépendants, proches du FLN et du RND, le clan au pouvoir continue sa stratégie qui consiste à imposer la légitimité par la fake légalité.
Au fait, le clan au pouvoir n’est pas vraiment intéressé par une vraie rénovation de l’assemblée parlementaire, qui aurait été le synonyme d’un réel contre-pouvoir. Les élections ont deux buts principaux, satisfaire les attentes des souteneurs extérieurs notamment la France, et gagner la bataille inter-clans au sein du pouvoir.
Le clan dirigeant, à sa tête les membres influents de l’Etat-Major, croit encore que le chef d’Etat qu’il a imposé en 2019 serait à même de remporter le pari de la légitimité à travers des élections. Les clans rivaux sont en attente d’un moindre faux pas pour éliminer le clan adverse.
Le premier clan qu’on peut qualifier de légaliste et composé de l’actuel Etat-Major. Les légalistes maintiennent la stratégie de sauver le pouvoir par les élections. En imposant les élections présidentielles du 12 décembre 2019 puis le référendum sur la Constitution le 1er novembre 2020 et les élections parlementaires pour le 12 juin 2021, ce groupe espère surmonter le conflit entre le peuple et le pouvoir et restaurer ce dernier par la légitimation et par la voie légale des élections.
La finalité est la pérennité du pouvoir qui s’inscrit dans la continuité du système Bouteflika, et espère mobiliser les citoyens par la cooptation, la manipulation et la répression, des lors qu’il ne dispose plus des moyens financiers comme auparavant.
Le clan des dialoguistes, composé de jeunes officiers moins politisés et beaucoup plus professionnalisés, quant à lui, une autre équation à résoudre. Son grand souci est comment garder les privilèges de l’institut militaire et ses membres tout en conservant la sympathie du peuple algérien. Ce clan est conscient que l’hostilité du peuple envers le pouvoir va de pair avec le rejet de l’institution militaire dans son ensemble.
Bien qu’il fût contre les élections présidentielles du 12 décembre 2020, il souhaite privilégier une ouverture graduelle vers une démocratisation contrôlée avec un contrat de transition à la soudanaise. Les dialoguistes, comme leur nom l’indique, sont en faveur du dialogue avec le Hirak et au besoin, avec l’aide de médiateurs internationaux.
Enfin le clan des hardliners qui devient de plus en plus apparent et celui qui joue sur la radicalisation du Hirak. Une éventuelle confrontation entre les franges du Hirak et/ou du Hirak avec l'appareil sécuritaire permettrait à ce clan d'asseoir sa stratégie consistant à restaurer le pouvoir selon le schéma des années 1990.
Trois scénarios sont donc envisageables, chacun impliquant un changement de pouvoir au sein des clans dans le pouvoir réel :
1) Légitimité et continuité du régime par la légalité. Ceci implique la confirmation du groupe militaire actuel au pouvoir.
2) Dialogue avec le Hirak avec l'aide de médiateurs externes et l’amorce d'une phase de transition.
3) Une confrontation au sein du Hirak et/ou entre certaines franges du Hirak et l'appareil de sécurité. Cela impliquerait l'usage de la force et la prise de pouvoir par les groupes radicaux des années 1990.
Ainsi, après le passage en force des élections contestées du 12 décembre 2020 et le rejet massif du référendum du 1er novembre 2010, les élections du 12 juin peuvent être un vrai suicide du clan au pouvoir.
La tenue ou la non-tenue des élections du 12 juin peuvent être un tournant historique pour l’Algérie, mais c’est la dernière chance du clan qui se cache derrière le dos du chef d’Etat Tebboune.