1. Dans « Alice au pays des merveilles » de Lewis Carroll, un morse bienveillant invite un groupe de palourdes à un banquet dont elles seront le plat principal. Ces sommets auxquels un pays hégémonique invite d’autres pays pour les dévorer ressemble à ce banquet.
Officiellement, c’est l’Organisation des États Américains (OEA) qui a son siège à Washington dans l’ancien édifice de l’Union panaméricaine, dont le budget dépend de l’apport étasunien pour plus de 60% et que le Che définissait comme « le ministère des Colonies des États-Unis » qui l’organise, En effet, l’OEA brandit contre tous les pays de Notre Amérique une convention interaméricaine des droits de l’homme en vertu de laquelle ils doivent se rendre tous les ans à Washington pour être accusés par une Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme et jugés par une Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme.
Les États-Unis ont évité astucieusement de signer cette convention car être approuvés par un organisme international portait atteinte à leur souveraineté. Pour la même raison, la République bolivarienne du Venezuela, par décision unanime de tous ses pouvoirs, s’est retirée de l’OEA en 2017.
2. S’il reste des doutes à propos de l’orientation de ces sommets, il suffit de revoir leurs sièges et les présidents qui les ont accueillis.
• Le premier sommet a eu lieu en 1994 à Miami, « show fenêtre » du mode de vie étasunien organisé par Bill Clinton, qui a démembré militairement la Yougoslavie, la Tchécoslovaquie et Haïti.
• Le deuxième s’est réuni en 1998 au Chili présidé par Eduardo Frei Ruiz-Tagle, héritier de Pinochet.
• Le troisième a eu lieu en 2020 au Québec, accueilli par Jean Chrétien, président soumis aux politiques de son puissant voisin et a été secoué par des protestations anti-mondialisation massives.
• Le quatrième se déroule en 2004 à Monterey, sur la frontière du Mexique avec les États-Unis, sous la présidence de Vicente Fox, un président proche des intérêts et des politiques des États-Unis.
• Le cinquième, pour changer, se déroule en 2005 à Mar del Plata, Argentine, sous la présidence de Nestor Kirchner et est un grand fiasco pour les États-Unis. Leurs thuriféraires ont amené pour être approuvé « fast-track » sans examen ni discussion l’ALCA, un traité monstrueux de libre-échange dans l’hémisphère qui était destiné à la remise massive au capital étasunien des ressources naturelles, stratégiques et touristiques de Notre Amérique, permettait l’exonération inconditionnelle des impôts des patrons et d’élimination des droits du travail et des droits syndicaux des travailleurs latino-américains et caribéens. Les délégations l’ont complètement rejeté. La participation la plus importante a été celle du Venezuela qui a suivi les instructions du président Hugo Rafael Chávez Frías.
3. Les fonctionnaires de l’OEA ont mis 4 ans à organiser un autre sommet en 2009, dans la colonie britannique de Trinidad et Tobago. Sous la présidence du néocolonialiste Patrick Manning. Pour continuer à marcher à l’abri, en 2012, ils en ont organisé un autre en Colombie occupée par neuf bases militaires étasuniennes déclarées et une infinité d’autres cachées dans des aéroports et des enclaves stratégiques.
Pour plus de sécurité, l’OEA a réuni le septième sommet en 2015 au Panama, un pays qui s’est séparé de la Colombie grâce à une intervention yankee, de nouveau parsemé de bases militaires étasuniennes en violation des accords Carter–Torrijos, dollarisé et présidé par Juan Carlos Varela, également dollarisé.
Le sommet de 2018 se réunit dans la ville où le tristement célèbre groupe de Lima a son siège et est présidé par Martin Vizcarra, l’ancien vice-président du président encore plus tristement célèbre Pedro Pablo Kuczynski, déposé pour corruption.
4. Ainsi, on comprend que ceux qui ont préparé le neuvième sommet des Amériques en 2022 cherchent à l’installer fermement à Los Angeles (ville qui a été arrachée au Mexique avec plus de la moitié de son territoire en 1845), dirigé par le président Joe Biden en personne et avec seulement des délégués des pays qu’ils considèrent comme à eux. Dans son magistral récit « confession d’un égolâtre », Otrova Gomas décrit le banquet qu’un personnage bouffi d’orgueil se consacre et dont le seul invité, de façon prévisible, est lui-même. En se croyant encore la première puissance du monde, les États-Unis n’admettent de débattre qu’avec eux-mêmes ou avec leurs reflets. Ainsi, comme ils imposent des présidents auto élus, ils aspirent à un auto-sommet.
5. Comme dans Hamlet, dans la folie du morse et de l’OEA, il y a un système. Le neuvième sommet est convoqué pour engager Notre Amérique comme instrument dans l’holocauste étasunien contre la Russie et la Chine. Chaque fois que les États-Unis se mêlent d’une discussion sérieuse, ils cherchent le soutien de leur arrière-cour. Pour cela, ils ont lancé pendant la seconde guerre mondiale la politique du « bon voisin. » Pas question d’inviter des palourdes qui ne cessent pas de manger ni des pays qui ne sont pas inconditionnels.
C’est pourquoi, avec beaucoup de fierté, on exclut du banquet de l’égolâtre Cuba, le Nicaragua et le Venezuela. Mais ils ne sont pas seuls.
Andres Manuel Lopez Obrador, le président du Mexique, a déclaré :
• « Comment pouvons-nous convoquer un sommet des Amériques et ne pas inviter tout le monde ?
• Alors, d’où sont ceux qui ne sont pas invités ?
• De quel continent ?
• De quelle galaxie ?
• De quel satellite ?
• S’il y a des exclusions, si tout le monde n’est pas invité, il y aura une représentation du Gouvernement du Mexique mais moi, je n’irai pas ».
Xiomara Castro, Présidente du Honduras dont le mari, Manuel Zelaya, a été déposé par un coup d’État du Commandement Sud, affirme qu’un sommet ne serait pas un vrai sommet « si toutes les nations ne sont pas présentes ».
Des fonctionnaires du Brésil font savoir que le président Bolsonaro pense ne pas y assister.
Et celui de l’Argentine a déclaré qu’il y assisterait mais que tous les présidents de la région devraient être invités.
Le président tournant de la Communauté des États Latinoaméricains et Caribéens (CELAC) a déclaré : « Je demande aux organisateurs ce que Lopez Obrador a demandé : qu’ils invitent tous les pays latinoaméricains ».
Les pays de la Communauté des Caraïbes (CARICOM) n’assisteront pas à ce sommet si on exclut un seul pays de cette rencontre.
Et Luis Arce, président de la Bolivie, victime à peine rétablie d’une sanglante intervention des États-Unis perpétrée grâce à l’OEA, a affirmé : « Le sommet des Amériques qui exclut des pays américains ne sera pas un véritable sommet des Amériques et si l’exclusion de peuples frères persiste je ne participerai pas à celui-ci », car « si on ne reconnaît pas le pluralisme, on ignore le principe d’autodétermination et on met son veto à la participation de pays frères ».
6. Pour le moment, apparemment, n’assisterons pas au sommet les présidents d’Antigua et Barbuda, des Bahamas, de Belize, de la Bolivie, du Brésil, de Cuba, de la Dominique, de la Grenade, du Guatemala, du Guyana, du Honduras, de la Jamaïque, du Mexique, du Nicaragua, de Saint-Vincent et les Grenadines, de Sainte-Lucie, du Surinam, de Trinidad et Tobago de du Venezuela.
Ceux du Chili et du Pérou n’ont pas confirmé leur présence.
L’unipolarité et l’inconditionnalité sont en voie d’extinction.