La justification la plus souvent présentée pour exercer une influence politique non justifiée est que la réalisation des objectifs de prospérité et de souveraineté de l'État exige l'unité du peuple autour d’un leader charismatique. Par opposition au contexte démocratique où une masse de forces politiques en conflit ne pouvait que détourner la population du ralliement autour d’une avant-garde révolutionnaire.
Quoi qu'il en soit, quelles promesses réalistes de prospérité un régime autoritaire dans l'environnement culturel arabe offre-t-il aux masses? Puisque le discours officiel s'inspire et tire de toute façon sa légitimité du panarabisme passé, j'ai pensé que cela pourrait beaucoup nous apprendre.
Retour sur la quintessence du panarabisme, du non-alignement et de la souveraineté nationale : Gamal Abdel Nasser. Que peut-on apprendre de son expérience pour réfléchir sur notre présent ? Nasser n'est-il pas apparu dans un contexte d'économie égyptienne délabrée, dominée par un système de néo-féodalisme économique institutionnalisé par la monarchie, un contexte parfaitement mûr pour la révolution ?
1. Nationalisation a tour de bras: se faire tirer une balle dans le pied
Peu après la guerre Sinaï-Suez, plus d'une cinquantaine d'entreprises françaises et britanniques furent nationalisées. La nationalisation peut bien sûr prendre d'autres formes même au XXIe telles que les collectivités locales par exemple, bien sûr, cela semble familier, n'est-ce pas?
Peu à peu, le régime s'est retrouvé à contrôler une part de plus en plus importante de l'économie locale. Dans le cas de l'Égypte de Nasser, la bourgeoisie était réticente à investir des capitaux après avoir perdu tout contrôle sur les leviers du pouvoir de l'État suite à la prise de pouvoir de Nasser et des réformes agraires.
Confronté au problème de la gestion des immenses entreprises d'État, le régime nassérien a fait entrer dans ses rangs une armée de technocrates, souvent formés dans les meilleures écoles de l'occident. Cette configuration a progressivement conduit à la formation d'une nouvelle bourgeoisie d'État jouant le rôle de l'État capitaliste.
Le contrôle des moyens de production étant principalement entre les mains d'une nouvelle classe sociale pleinement établie, le déclin devient inévitable. Une fois en position de domination, la nouvelle classe, autrefois motivée pour réaliser les objectifs quinquennaux mis en place par le régime, devient conservatrice et corrompue. La nouvelle bourgeoisie d'État se transforme donc lentement en une classe clientéliste et mafieuse.
→ Constatant ainsi une contradiction définie entre le pouvoir d'Etat (présidence principalement) et la bourgeoisie d'Etat (appareil bureaucratique). Auparavant, ce dernier groupe était dépendant du premier, mais une fois aux commandes, la bourgeoisie d'État pouvait s'organiser pour ses propres intérêts contre les intérêts du régime.
2. Non-alignement: Discours bon pour le petit peuple
Bien que le régime ait investi dans l'économie elle-même, en raison du boycott de la plupart des bourgeois, il est devenu évident que sans un financement substantiel et un soutien technique de l'extérieur, le régime ne serait jamais en mesure de développer le pays et d'apporter les réformes tant attendues. Suite à son intérêt à s'implanter au moyen orient et aux réticences de l'occident, Nasser obtient son financement de l'URSS.
Non seulement cela, mais la performance économique décevante causée par la bourgeoisie d'état inefficacement établie(1) dicte une dépendance plus étroite et plus profonde vis-à-vis des prêteurs externes, tant en technologie qu'en capital.
Une fois qu'une certaine partie d'une industrie est établie, elle ne peut être étendue que par des pièces, un savoir-faire et des fournitures compatibles avec la première. Cela signifie que l'Égypte s'est encore plus enracinée dans sa dette envers l'URSS, faisant du non-alignement une chose du passé.
→ Constatant ainsi que les régimes populistes ont du mal à attirer les capitaux nationaux pour investir dans l'économie locale. Cela implique à son tour une source forcée de financement extérieur et une dette politique indirecte. Rompant ainsi encore plus le non-alignement et la souveraineté.
Note
(1) Roy T. Bennet