Lorsque nous parlons du colonialisme anglais ou français en général, nous faisons abstraction des différences et de la relation difficile qui existait entre les Anglais et les Français métropolitains et les Anglais et les Français qui ont réellement colonisé. Ces derniers n'ont jamais été la crème de la crème de la société colonisatrice. En fait, ils étaient méprisés par les composantes métropolitaines et cosmopolites de la société qui les envoyaient faire le sale boulot de colonisation et de peuplement d'autres terres.
C'est le cas de tous les colons, où qu'ils se trouvent. Les colons étaient et sont doublement souillés. Ils étaient stigmatisés négativement (souvent en termes de classe) au sein de la société qui les avait envoyés, et ils étaient encore plus souillés en accomplissant l'acte de colonisation et la violence qu'il exigeait.
La vision cosmopolite des colons était souvent de l'ordre de "sales gens venus de chez nous pour faire un sale boulot qui nous permet de rester propres". C'est en partie cette dynamique qui a défini la vision cosmopolite française des pieds-noirs. C'est un point de vue qui marque encore les stéréotypes anglais hérités des Australiens blancs.
Ce n'est peut-être pas une coïncidence si, lorsqu'il s'est agi de créer la première colonie méta-occidentale, c'est-à-dire la colonie de toutes les nations occidentales plutôt que la colonie de telle ou telle nation occidentale, Israël, la tâche de la colonisation active a été confiée aux Juifs : le peuple qui était collectivement perçu comme souillé par toutes les nations occidentales.
On peut dire que le sionisme, en devenant un projet de création d'un État-nation colonial, a embrassé cette tâche. Consciemment ou inconsciemment, les sionistes disaient : oui, nous sommes le peuple sale qui fera le sale boulot pour tout l'Occident. Ainsi, l'exercice de la violence coloniale au nom de l'Occident par les sionistes n'a jamais été un moyen de lutter contre l'antisémitisme occidental. En fait, elle ne pouvait que l'accroître...
Alors que les sionistes se salissent encore plus avec leur violence coloniale, l'image d'un peuple sale s'enracine plus que jamais dans l'Occident même qui les soutient sans réserve. De nombreux sionistes ont fantasmé dans le passé, et continuent de fantasmer aujourd'hui, qu'ils sont une extension de la civilisation occidentale au Moyen-Orient : voir les déclarations les plus récentes des dirigeants israéliens sur le fait qu'Israël fait partie de la civilisation occidentale et la protège, et que la guerre de Gaza fait partie de ce processus de protection.
Les sionistes semblent vraiment ignorer que, loin de faire "partie de l'Occident", ils sont de plus en plus perçus comme souillés par la violence qu'ils exercent : ils sont en train de devenir les bêtes sauvages de l'Occident, et ils acceptent cette interpellation avec joie.
La richesse, le savoir-faire technologique et l'approvisionnement ininterrompu en armes vous rendent puissant, destructeur et intelligent dans un sens étroit et à courte vue. Mais cela ne vous rend pas socialement perspicace et ne vous donne pas la sagesse nécessaire pour construire un avenir à long terme pour votre peuple.
Telle est la tragédie d'Israël qui se déchaîne à travers Gaza, fidèle au cliché de la bête sauvage qu'il a tenté d'expurger de l'imaginaire antisémite de l'Occident.