Les récentes violences en Nouvelle-Calédonie ont éclaté à la suite d’un projet de loi approuvé par l’Assemblée nationale à Paris qui élargirait le droit de vote aux personnes vivant sur les îles depuis 10 ans ou plus. Si elle est approuvée, cela marquerait un changement significatif par rapport à la loi actuelle et pourrait marginaliser la voix de la population autochtone kanak dans la politique locale.
Cette crainte s’appuie sur les tensions récentes (et une lutte pour l’indépendance beaucoup plus ancienne) dans les relations de la Nouvelle-Calédonie avec Paris. Le président français Emmanuel Macron se rend maintenant dans l’archipel pour « mettre en place une mission », sans encore expliquer ce que cela impliquerait.
Les indigènes Kanaks représentent environ 40 % des quelque 270 000 habitants, le reste étant constitué de descendants de colonialistes européens blancs (que les habitants appellent Caldoches) et de personnes plus récemment arrivées de France métropolitaine (dont beaucoup ne passent souvent qu’une partie de l’année sur l’archipel). Ce changement annulerait la mesure précédemment convenue (et constitutionnellement) en permettant à quelque 25 000 nouveaux électeurs sur environ 42 000 de figurer sur les listes électorales, affaiblissant ainsi probablement tout futur mouvement indépendantiste.
La Nouvelle-Calédonie est un ensemble d’îles au large de la côte est de l’Australie dans l’océan Pacifique. Le territoire s’est vu accorder des droits politiques généralement larges en tant que territoire français, cependant, le mouvement pour une indépendance totale s’est intensifié ces dernières années. À la suite d’un accord historique en 1988, l’Accord de Nouméa, le gouvernement français a restreint le droit de vote de manière à donner une plus grande voix aux peuples autochtones et à ceux qui ont un lien profond avec le territoire.
L’accord prévoyait également la tenue de trois référendums sur l’indépendance, qui ont eu lieu en 2018, 2020 et 2021. Le dernier a été boycotté par les partis indépendantistes et le taux de participation n’a atteint que 41 %. Ceux qui se sont abstenus ont invoqué les conditions injustes dans lesquelles le référendum s’est déroulé en raison d’un nombre élevé de cas de COVID à l’époque. Néanmoins, les trois référendums ont abouti à une majorité en faveur du maintien de leur statut actuel, et le gouvernement français affirme que la question est maintenant résolue.
Les récentes violences ont fait six morts et des centaines de blessés. Les forces françaises ont lancé une opération, jurant de mettre fin aux troubles.
Pour compliquer encore les choses, les différends entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan ont eu un certain effet sur ces récents développements en Nouvelle-Calédonie.
La France participe aux négociations sur le conflit du Haut-Karabakh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan depuis les années 1990 en tant que membre des coprésidents du Groupe de Minsk de l’OSCE aux côtés des États-Unis et de la Russie. Compte tenu de l’importante diaspora arménienne de la France et de la sympathie générale de Paris pour l’Arménie, l’Azerbaïdjan a longtemps critiqué le rôle de la France dans ce processus de négociation. Depuis la guerre de l’Azerbaïdjan pour le Haut-Karabakh en 2020, les tensions entre Bakou et Paris se sont considérablement exacerbées.
Soulignant la présence de drapeaux azerbaïdjanais et d’autres pancartes lors des manifestations en Nouvelle-Calédonie, le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a souligné que « ce n’est pas un fantasme. C’est une réalité », lorsqu’on lui a demandé si l’Azerbaïdjan (et la Chine et la Russie) interféraient en Nouvelle-Calédonie. Il a poursuivi en disant : « Je regrette que certains des dirigeants indépendantistes calédoniens aient conclu un accord avec l’Azerbaïdjan. » Il a souligné que « c’est indiscutable ».
« Nous rejetons complètement les accusations sans fondement », a déclaré le porte-parole du ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères, ajoutant : « Nous réfutons tout lien entre les dirigeants de la lutte pour la liberté en Calédonie et en Azerbaïdjan ».
Cependant, le lien entre l’Azerbaïdjan et certains groupes en Calédonie et dans d’autres territoires et dépendances français d’outre-mer est de plus en plus visible ces dernières années.
Le Groupe d’Initiative de Bakou est une organisation créée en 2023, au milieu du blocus de l’Azerbaïdjan contre les plus de 100 000 Arméniens vivant dans le Haut-Karabakh, qui « soutient les peuples qui luttent contre le colonialisme ». Le groupe a organisé une vidéoconférence jeudi dernier, à laquelle ont participé des mouvements indépendantistes en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, en Guyane française, en Martinique, en Guadeloupe et en Corse. La déclaration commune publiée à l’issue de la conférence condamne fermement les actions françaises et exprime leur solidarité avec « nos amis kanak et leur soutien à leur juste lutte ».
Alors que les Français considèrent que leur soutien croissant aux Arméniens du Haut-Karabakh et à l’Arménie elle-même est justifié face au nettoyage ethnique, à la persécution et aux menaces militaires continues de l’Azerbaïdjan, Bakou s’efforce de montrer à Paris que son action dans le Caucase du Sud aura des répercussions. Alors que la France panse ses plaies des revers géopolitiques dans ses anciennes colonies du Sahel, l’Azerbaïdjan s’efforce de maintenir la pression en exploitant plutôt cyniquement le passé colonial de la France et son hypocrisie occasionnelle présente pour ses propres gains politiques.