Hier (26 janvier), Israël n’a non seulement pas réussi à évacuer son armée du Sud-Liban comme stipulé dans l’accord de cessez-le-feu, mais a également tiré sur plus de 130 civils libanais qui tentaient de rentrer chez eux comme stipulé, tuant 23 personnes et en blessant 109 (dont certains dans un état critique).
Parmi eux, un garçon de 12 ans blessé au cou à Kfarkela, qui se trouvait juste à côté de mon producteur local Mahmood. J’étais à vingt mètres de là et je me dirigeais vers eux. Quatre personnes ont été tuées à Kfarkela et pendant la nuit, l’armée israélienne y a démoli de nombreuses maisons en guise de « punition ».
À l’exception d’un soldat de l’armée libanaise, tous les morts étaient des civils qui tentaient simplement de rentrer chez eux. Au moins cinq des morts étaient des enfants. Tous ont été abattus, pas bombardés.
L’excuse d’Israël pour ne pas se retirer est que l’accord de cessez-le-feu n’a pas été respecté, que le Hezbollah n’a pas été désarmé au sud du fleuve Litani et que l’armée libanaise n’en a pas pris le contrôle.
J'ai passé toutes les heures des trois jours où j'étais éveillé à parcourir l'ensemble de la frontière sud (rappelons que le Liban est un pays presque trois fois plus petit que la Belgique et que la région frontalière délimitée est encore plus petite).
Je peux garantir que l’armée libanaise a le contrôle total de la région. Il y a des points de contrôle de l’armée à tous les principaux carrefours et entrées de la ville, et sur toutes les routes menant aux collines. Plus important encore, je n’ai vu personne porter d’armes à part l’armée libanaise.
Le Hezbollah a toujours une présence politique importante (c’est le plus grand parti politique au Liban), mais il ne porte pas d’armes dans la zone de cessez-le-feu au sud du Litani. En outre, l’armée libanaise a occupé et pris ou démantelé les positions militaires du Hezbollah dans cette zone. Ils ont confisqué plus de 50 caches d’armes.
Les seules zones du sud du Liban qui ne sont pas sous le contrôle de l’armée libanaise sont celles occupées par l’armée israélienne.
Le rôle de l’armée libanaise est extrêmement douteux, mais 100% en faveur d’Israël. L’armée libanaise est entièrement sous le contrôle des États-Unis. Littéralement, 50 % de la solde de chaque soldat libanais est versée directement par le gouvernement américain.
Hier, l’armée libanaise s’est contentée d’assister au massacre de civils libanais par l’armée israélienne. Si l’armée libanaise protégeait quelqu’un hier, c’était bien l’armée israélienne.
Plus extraordinaire encore, le nouveau gouvernement libanais n'a pas protesté contre l'absence de retrait d'Israël, et l'administration Trump a ensuite annoncé que le Liban avait accepté de repousser la date limite de retrait au 18 février.
En fait, ni Israël ni les États-Unis n’ont jamais eu la moindre intention de retirer Tsahal. Israël a démoli plus de 2 000 maisons libanaises pendant la période de cessez-le-feu, dont environ la moitié dans des villes et des villages qu’Israël n’a pas pu atteindre pendant les combats mais qu’il a occupés pendant le cessez-le-feu.
Hier, j’ai visité la ville de Khiam et j’ai été tout simplement stupéfait par l’ampleur de la dévastation. Israël a démoli plus de 1000 maisons à Khiam.
Parmi tous les décombres, j’ai réussi à localiser le piano du Dr Julia Ali, qui est devenu un mythe sur Internet après qu’elle eut posté une vidéo d’elle en jouant dans sa belle maison, puisque les soldats israéliens se sont moqués d’elle après que la maison eut été dévastée.
La maison est un cas d'étude intéressant. Les propagandistes sionistes ont réagi aux vidéos diffusées sur Internet en affirmant que le jardin abritait une installation de roquettes du Hezbollah. J'ai fait des recherches approfondies et je n'ai trouvé aucune preuve qu'il s'agissait d'autre chose que d'une maison civile. Il n'y avait aucun signe de quoi que ce soit d'inhabituel dans le jardin.
La maison n’a pas été bombardée, mais a été partiellement démolie à l’explosif, abattue et incendiée, après avoir été utilisée comme caserne israélienne. Les meubles qui étaient restés debout ont été brisés à coups de couteaux, et les miroirs, les lustres, le piano, la porcelaine et le verre ont tous été brisés.
Des vêtements féminins étaient éparpillés partout, ainsi que des poupées. De grands dessins obscènes et des graffitis en hébreu ont été peints sur les murs. Dans une pièce utilisée pour les repas, les assiettes en carton usagées étaient toutes à l’envers sur le sol et avaient été utilisées pour gâcher la nourriture. Le sol était jonché de boîtes de conserve, de couverts en plastique usagés, de bouteilles de boisson vides et d’excréments humains également délibérément exposés.
De nombreuses boîtes de munitions, allant des armes légères aux obus de chars, étaient dispersées dans le bâtiment et le jardin. Toutes étaient de fabrication américaine.
Tous les téléviseurs, récepteurs satellite, chaînes stéréo et appareils de cuisine ont été arrachés, de même que le générateur d'électricité.
Je suis allé dans le village voisin, où une propriétaire sortait des décombres avec son gendre. Une fois de plus, tout l’équipement électrique et le groupe électrogène avaient été pris. Des bijoux, une précieuse collection de tapis anciens et d’importantes peintures ont également disparu. Rien de tout cela n’était dans les décombres.
Nous avons enquêté davantage dans la région et n’avons trouvé aucun cas de téléviseurs ou d’objets de valeur, ou leurs restes, découverts dans les décombres. Nous avons également trouvé des cas de magasins, notamment un magasin de vêtements de créateurs et un magasin de téléphone, dont le contenu avait été entièrement pillé.
Un soldat ne peut pas emporter un générateur ou un vieux tapis dans son sac à dos. Un tel pillage à l'échelle industrielle doit être officiellement approuvé par les FDI et impliquer des véhicules de transport militaire ou des véhicules réquisitionnés par l'armée.
Ce n’est peut-être pas comparable au meurtre d’enfants, mais c’est en soi un crime de guerre. Les médias occidentaux, qui ont fait beaucoup de bruit sur les pillages russes en Ukraine, n’ont jamais mentionné ce pillage israélien massif.
L’accord de cessez-le-feu était un embarras qui ne pouvait qu’aboutir à cette conclusion. L’idée que ses superviseurs, la France et les États-Unis, soient en quelque sorte neutres est ridicule. Israël n’a pas l’intention de se retirer du Sud-Liban et continue de détruire quotidiennement des maisons libanaises tout en construisant au moins cinq bases militaires fortifiées.
Ce que je trouve encore étonnant, c’est que le nouveau président libanais Aoun et le Premier ministre Mikati aient accepté de prolonger l’occupation israélienne sous ces prétextes manifestement fallacieux. Israël a commis plus de 120 violations documentées du cessez-le-feu. Le Hezbollah en a commis un, début décembre, en réponse à de multiples attaques israéliennes contre des civils.
Le Hezbollah risque fort de se ridiculiser. Il a accepté d’être désarmé selon ls termes de l'accord de cessez-le-feu, ce qui permettrait à Israël d'annexer le Sud-Liban sans opposition sérieuse sur le terrain. Il semble que les pertes subies par le Hezbollah pendant la guerre et l'assassinat de ses dirigeants l'aient rendu incapable d'organiser une réponse militaire significative à l'occupation prolongée d'Israël. Sa réponse au massacre d'hier n'a été que rhétorique.
À ce jour, Israël semble être bien préparé à consolider son extension du Grand Israël dans le sud du Liban et le sud de la Syrie, avec la complicité active des gouvernements soutenus par les États-Unis à Beyrouth et à Damas.
À long terme, je crois que les atrocités commises par Israël seront rejetées par les peuples de la région et entraîneront sa chute. Mais maintenant, ce sont Netanyahu et Trump qui sourient.